L'abandon de la mésange
dans des
robes à moitié belges, à moitié québécoises.
– Je te dis simplement de pas te donner
tant de mal.
– Non, maman, c’est pas ce que tu me dis
et tu le sais. Je fais baptiser mes filles contre mon gré et mes convictions. Laisse-moi
donc au moins le faire comme il me plaît. Et ce sont pas des guenilles, elles
ont jamais servi.
Ce fut au tour de Blanche d’être heurtée.
Voyant Élise sortir un patron Vogue et commencer à tailler les taies,
elle l’abandonna pour aller se promener dans le potager. Alors qu’elle
cueillait quelques pointes d’asperges au passage, Marcel se joignit à elle.
Blanche ne sut que dire, car elle ne savait toujours pas quoi penser.
– Votre Élise a un drôle de bonheur, vous
ne trouvez pas, Blanche ?
– Non. Mon Élise a toujours fait à sa
tête, mais en douceur. Maintenant, j’imagine qu’elle n’a plus le temps d’être
douce.
– Mais enfin, son mari est là, sa famille
est là…
– Mais pas son père.
Marcel s’était un peu rapproché de Blanche,
qui, surprise, s’éloigna doucement. Rien chez Marcel ne l’attirait, même si
elle trouvait que c’était un bel homme, avec beaucoup de connaissances. Ses
tocades l’énervaient et son humour pâlissait devant le souvenir de celui de
Clovis.
– Vous ne voulez vraiment pas qu’elle
fasse baptiser ses filles dans les taies faites par Mimine pour son
trousseau ?
– J’aurais voulu qu’elle les fasse
baptiser dans du neuf. C’est tout.
– Mais la tradition veut que la robe de
baptême se passe de génération en génération…
– Je n’ai pas de robe de baptême et mon
mari n’avait pas la sienne non plus. J’aurais aimé, justement, qu’on commence
la tradition avec du neuf.
– Vous êtes de mauvaise foi, Blanche.
Blanche ne répondit rien, continuant sa
promenade d’un pas accéléré.
– Vous souhaitez que je vous laisse
seule ?
– Je crois que c’est ce que je veux,
Marcel.
Lorsqu’elle rentra dans la maison, Blanche
monta à la salle de couture. Sa fille lui tournait le dos, assise devant la
machine à coudre, tandis que les deux fillettes étaient posées par terre,
chacune dans sa petite chaise. Élise cousait par à-coups en contrôlant la
vitesse, au rythme de Frère Jacques qu’elle chantonnait. Les petites
commencèrent à pousser des éclats de rire. Sans un mot, Blanche s’assit, mit
ses lunettes, enfila une aiguille et prit la première robe pour en commencer la
finition. Élise ne broncha pas.
* * *
– Tout est organisé, ma douce. Dimanche,
deux heures.
– J’ai proposé au curé de faire ça ici,
dehors, et il m’a demandé ce que j’avais contre la maison de Dieu… Voyant que
Côme était un peu embêté, j’ai dit : « Rien du tout, mais Dieu
n’aimerait-il pas cela… » – je faisais des efforts pour bien
parler – « … une promenade à la campagne par un beau dimanche
après-midi ? » Il a répondu : « Le Seigneur aime accueillir
ses enfants chez lui, dans la maison du Père. » J’ai rétorqué :
« Mais Dieu sait-il servir les boissons, faire les sandwiches et le gâteau
de baptême ? Dieu a-t-il pensé aux dragées ? »
– Alors là, le curé a regardé Micheline
et lui a demandé, le plus sérieusement du monde, si elle croyait en Dieu.
Élise était amusée, Marcel était catastrophé,
et Blanche, trop occupée à coudre une minuscule boutonnière pour réagir.
– Ne me dites pas que le curé ne voudra
pas baptiser nos bébés ?
– C’est là qu’on voit le grand talent de
Micheline. Elle a dit, je vous le jure, qu’elle avait une terrible crise de foi
et que si elle pouvait, comme Paul Claudel, aller à Notre-Dame de Paris,
peut-être qu’elle y aurait une révélation.
– Vous n’avez pas osé, Micheline !
– Oui ! Et le curé a répondu qu’il
était prêt à m’y accompagner si c’était ce qu’il fallait pour ramener une
brebis avec le troupeau !
– C’est pas vrai, Micheline ! Le
curé t’a quand même pas draguée !
– Je sais pas… Côme croit que oui, mais
je pense qu’il voulait simplement répliquer du tac au tac.
Micheline s’approcha de sa sœur et lui
chuchota à l’oreille que le curé n’aurait jamais pu être candidat, vu qu’elle
préférait les hommes mariés. Élise se frappa la tempe de son index. Quant à
Marcel, il était encore en état de choc.
– Un curé qui drague…
– C’est pas vous, Marcel qui disiez
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