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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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présentant comme ma fiancée. Je suis maintenant forcé
d’admettre que je n’ai probablement pas fait le bon choix, il y a quarante ans.
Peut-être que j’aurais été un bon père de famille. Peut-être que j’aurais pu
rendre une femme heureuse. Enfin…, te rendre heureuse. Pourtant, je sais que
j’ai suivi une voix royale et lactée qui me menait directement au paradis, sans
passer go et en évitant tous les avatars de la vie.
    – J’espère, Napoléon, qu’on ne se
reprochera jamais d’être allés au baptême de mes petites-filles.
    – Jamais, c’est certain. J’ai le
sentiment que, toi et moi, on s’est retrouvés par hasard sur le chemin du
Christ. Il nous avait crus morts et il s’est senti obligé de nous ressusciter…
    – C’est pas un peu morbide, ce que tu
dis ?
    – Mais non, mon bel oiseau du Nord. Ce
que je te dis, c’est qu’on a la chance extraordinaire de continuer notre vie.
Autrement, il est vrai, mais quand même dans la brume ouateuse du matin…
    – Bon, il va falloir que j’apprenne à
comprendre tes images. T’avais-je dit que mon père appelait ma mère « ma
belle brume » ?
    – Non, jamais.
    – C’est une coïncidence amusante, mais je
préfère l’oiseau du Nord à la belle brume, si tu n’y vois pas d’objection…
    Blanche et Napoléon ne savaient comment
annoncer les changements qu’ils projetaient. Ils voulaient se marier, pour leur
tranquillité d’esprit et pour le plaisir de le faire à l’église. Ils voulaient
aussi vendre la maison d’Outremont et en acheter une plus petite pour pouvoir
la quitter cinq ou six mois par année afin d’aller au soleil d’Haïti et aussi
de venir aider Élise aux semis et aux récoltes.
    –  A la kontan m kontan : mwen ka
di ti cheri m nan mwen renmen li san m pa bezwen peu anyen .
    – Qu’est-ce que tu viens de dire ?
    – Que je t’aime.
    – Moi aussi, je t’aime, mais je redoute
la réaction d’Élise. J’ai pressenti qu’elle serait mal mariée et maintenant je
sais que c’est le cas. Elle a tellement de principes, ceux que son père et moi
on s’est évertués à lui inculquer, qu’on dirait qu’elle est prise au piège.
    – Je ne saurais lui conseiller le
divorce.
    – Si c’est à cause de tes principes
religieux, laisse-moi lui parler.
    – D’accord.
    – Si c’est parce que tu n’as pas
d’expérience du mariage, laisse-moi lui parler.
    – D’accord, ma chère.
    – Si c’est parce que tu as une meilleure
solution, alors parle, parce que ça presse. Ma fille se meurt à petit feu entre
ses jumelles qu’elle adore, ses chevaux et sa petite serre. Et surtout ne lui
parle pas de religion. C’est une affaire de famille.
    – Tu peux compter sur moi.
    – Élise est très attachée à la maison et
à tout ce qui lui rappelle son père. J’ai peur que ça la peine énormément.
    – Je reconnais chez elle la sensibilité
de sa mère.
    – C’est que tu n’as pas connu son père.
    – Non, et je le regrette. Mais je suis
heureux de savoir que nous avons été deux à t’aimer en même temps, Blanche.
Parce que je n’ai jamais cessé de t’aimer. Je t’ai dit que ton souvenir serait
le soutien de ma vocation et il l’a été. Ce que tu sais maintenant, c’est que
j’avais besoin de ce souvenir pour vivre.
    Blanche étreignit Napoléon avec la même pudeur
qu’elle avait toujours eue avec lui comme avec Clovis. C’est dans la noirceur
de ses nuits qu’elle aimait goûter l’amour.
     
    * * *
     
    – Y a-t-il quelque chose, Élise, que tu
voudrais conserver ?
    Silencieuse, Élise était assise devant sa
mère, Napoléon et Micheline, laquelle était venue, supposait-elle, pour aider
sa mère. Elle ne disait pas un mot, impassible devant leurs propos. Si elle se
réjouissait sincèrement du mariage de sa mère – « Ça, c’est heureux,
Micheline, parce qu’on sait qu’elle ne mourra pas de solitude ou
d’ennui » –, elle avait un peu de mal à imaginer que celle-ci
porterait un autre nom que le sien. Elle était surtout catastrophée à l’idée
que sa mère serait partie six mois par année en Haïti, un pays en lequel elle
n’avait plus confiance depuis que Wilson lui avait dit que sa famille s’en
était « sauvée ». Le père Frigon avait beau avoir expliqué que les
missions y étaient presque à l’abri malgré les souffrances infligées au peuple
haïtien par « Papa Doc », qui était mort en avril de

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