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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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Le sapin, encore décoré de ses éternelles fleurs blanches, avait
perdu de son éclat, d’autant plus que trois des circuits de lumières s’étaient
éteints sur le coup de minuit.
    Micheline arriva pour le réveillon avec
Jean-Charles, qui se sentit obligé d’expliquer sa présence.
    – Mais je suis ravie, Jean-Charles, que
vous soyez avec nous. Un peu étonnée, c’est tout.
    – Mes parents sont avec les enfants,
alités à cause de la varicelle, et leur mère est partie se reposer en Floride.
    – Vous ne vouliez pas y aller ?
    – Non. Je préférais rester à Montréal.
Mon épouse s’amuse toujours davantage avec une de ses amies qu’avec un mari en
manque de journaux d’ici.
    Élise l’embrassa, sensible à la présence de
cet homme dont le regard scintillait dès que Micheline entrait dans son champ
de vision. Ce qui l’étonna fut de voir le regard de Micheline s’allumer
également et elle se demanda s’il arrivait parfois à sa sœur de remettre ses
choix en question. Quant à elle, elle se morfondait de désir jour après nuit,
nuit après jour, et ce n’était plus Côme qui l’assouvissait. Maintenant qu’elle
avait des bébés, l’étau s’était resserré autour d’elle puisqu’elle ne voulait
pas priver ses filles de leur père. Elle avait lu dans un magazine que certains
hommes cessaient de désirer leur femme dès qu’elle devenait enceinte. Elle
avait entendu à la télévision un homme pleurer sur son infortune d’avoir
assisté à l’accouchement de sa femme. « En un jour, cette femme que je
désirais profondément est devenue une espèce d’animal dont est sorti un petit.
Comme un chiot. » Élise avait été heurtée au plus profond de son être.
Elle aimait viscéralement se sentir femelle sur cette terre qu’elle adorait.
Elle aimait faire partie de la chaîne de la vie. Tant pis pour ceux qui se
croyaient au-dessus de la création, êtres élus et supérieurs. Ce n’était pas
son lot. Elle était là pour l’éternité de la vie.
    Wilson et elle étaient devenus les meilleurs
amis du monde et elle admirait son courage d’avoir quitté la ville afin de
pratiquer une autre médecine. Il avait loué une maison sur la charmante île
Sainte-Thérèse, à proximité de Saint-Jean-sur-Richelieu, où la rivière léchait
presque le pas de sa porte. Élise savait, parce que Wilson le lui avait laissé
entendre – ô combien discrètement ! –, qu’il était le seul Noir
de l’hôpital et aussi le seul Noir de son île.
    Blanche vint à la fête avec Napoléon Frigon,
qui leur annonça qu’il attendait sa laïcisation.
    – Ça veut dire que vous ne serez plus un
prêtre ?
    – Si le Vatican m’affranchit.
    Micheline était fascinée.
    – Parce qu’il y a une espèce de tribunal
qui va vous juger apte ou non à retourner à la vie civile ?
    – Plutôt apte ou non à rester prêtre.
    – Et qu’est-ce qu’il vous faut faire de
mal ?
    – C’est ça, le problème. Depuis que j’ai
revu votre mère, je nage en pleine loi de la relativité…
    – Einstein serait content d’entendre
ça !
    – Peut-être davantage son copain Freud…
    – Donc, c’est parce que vous avez revu ma
mère que vous voulez redevenir laïc. Pourquoi ? Qu’est-ce que ça
changerait ?
    – En fait, rien. Pardonne-moi, Blanche,
mais… En fait, votre mère et moi, nous avons dormi ensemble.
    – De toute façon, vous l’auriez fait…
Pourquoi attendre la bénédiction du Vatican ?
    – Par respect, c’est tout. Respect de
l’institution, respect de votre mère et respect de moi-même. Tranquillité
d’esprit, aussi. Je n’ai pas envie d’être un paria.
    – Et si le Vatican refuse ?
    – Je me défroquerai et je vivrai en
paria !
    Napoléon éclata de rire et posa sa main sur celle
de Blanche.
    Durant toutes ces heures de réjouissances,
Côme fut égal à lui-même. Souriant, rieur, bon père de vitrine, mais Élise et
Micheline durent quand même nourrir et endormir les bébés toutes seules. Ces
moments intimes plaisaient aussi à Micheline, qui adorait bichonner sa filleule
en lui promettant mers et mondes. Quant à Marcel, il les surprit tous en leur
montrant un billet d’avion de la ligne Sabena, qui allait l’emmener à
Bruxelles.
    – Revoir la Grand-Place et son Gisant et
les terres des cousins, les miens comme ceux de Mimine. Voir à quoi ressemblera
cette Europe censée naître ce mois-ci.
    – Mais enfin, papa,

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