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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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l’orgue, mais aussi pour les soupirs d’amour et les
promesses d’éternité qui se réverbéraient sur ses murs.
    Avec Blanche du côté de son cœur et Micheline
à sa droite, Élise fit son entrée dans l’église. Les grandes orgues résonnèrent
et elle se figea. À l’autre bout d’une allée sans fin se tenait Côme, si beau
qu’elle ferma les yeux, éblouie. Ses genoux plièrent et elle sentit la main de
sa mère la pincer légèrement pour l’encourager. Elle aperçut presque aussitôt
deux immenses sourires blancs et se dirigea vers M. Philippe et son fils
Wilson, qu’elle avait sottement négligé d’inviter.
    – On a vu dans le journal que tu te
mariais, mademoiselle Lauzé. Tu reconnais Wilson ?
    – Oui ! Bonjour, Wilson. Il faut
m’excuser, je n’ai pas le temps de vous parler, je me marie dans deux minutes.
Mais…
    Tout en parlant, Élise se demandait comment
elle avait pu oublier de les inviter, eux et leur famille.
    – On le sait. On est venus te porter un
petit quelque chose, mademoiselle.
    Wilson remit à Élise une magnifique
photographie de son père sur un quai de gare, un pied posé sur le marchepied
d’une locomotive, la main sur le garde-corps. Ils avaient eu la délicatesse de
la placer dans un cadre argenté. Élise éclata en sanglots, embrassa le cadre,
puis les Philippe. Elle chuchota à l’oreille de Wilson :
    – Merci, Wilson. Je suis certaine que
c’est ton idée. Je penserai à toi chaque fois que je le regarderai. C’est à toi
qu’il a offert son dernier souffle.
    – Et il m’a aussi demandé de t’avoir à
l’œil.
    Elle le remercia encore, posa une dernière
bise dans son cou, presque sur le lobe, puis retourna auprès de sa mère et sa
sœur, toutes deux aussi chamboulées qu’elle. Elles parvinrent enfin à l’avant
de l’église après une marche qui leur avait semblé éternelle. Élise tenait la
photo de son père sur son cœur et l’avait tournée pour que Côme voie la bonne
mine et le sourire du père qui allait lui confier sa fille.
    Des vœux qui furent prononcés, Élise ne se
souvint de rien. Elle reprit conscience lorsque Côme et elle, tremblants tous
deux, redescendirent l’allée, qui avait raccourci pendant la cérémonie, entre
les nombreux visages souriants de dames chic et d’hommes cravatés. Quelle ne
fut pas sa surprise de voir dans la rue, l’attendant sagement, un Poussin
fleuri aux mêmes couleurs que la calèche blanche, celle qu’elle n’avait jamais conduite,
et un M. Avoine chapeauté de blanc et vêtu d’une queue-de-pie
blanche ! Le photographe s’agitait, ravi de croquer un aussi joli couple.
Il demanda à Élise la permission de faire quelques clichés d’elle dans cette
robe d’un genre qu’il n’avait jamais vu. Élise se plia à son désir et lui
proposa de venir à la maison, dans le jardin, ce qu’il accepta.
    Les Vandersmissen pleuraient tous les deux,
elle parce que la robe ne l’habillait plus, lui parce qu’il trouvait sa femme
aussi jolie qu’au jour de leurs noces.
    – Mais non, Mimine, tu n’as pas vieilli.
Tu es toujours aussi belle.
    – Mais regarde-la. C’est une véritable
apparition. Pense aux doigts de toutes les femmes de la famille, mortes pour la
plupart, qui ont fait cette robe. Toutes ces tantes et mes grands-mères qui ont
travaillé pour une petite Canadienne dont elles n’ont jamais soupçonné
l’existence.
    Côme, tout aussi ému que ses parents, les
consola. Micheline fit deux pas pour s’éloigner d’eux, puis revint.
    – C’est la plus belle robe de mariée que
j’aie jamais vue. Mais il faudrait pas oublier que les doigts de ma mère ont
travaillé fort aussi. Il y a pas une perle qu’elle a pas recousue, parce que
tout s’effilochait.
    Micheline alla rejoindre sa mère sans
attendre.
    – Ta belle-sœur est encore aussi à pic
que lorsque Élise était venue pour la récolte.
    M me  Vandersmissen se
tamponnait encore les yeux quand les mariés montèrent dans la calèche. Le
cortège des invités traversa la rue à pied et se dirigea vers la maison,
presque visible du parvis.
    Élise chercha les Philippe des yeux, mais ils
s’étaient volatilisés. Côme la tenait serrée contre lui et elle le fit rire aux
éclats en lui expliquant que c’était à cause de son cœur gonflé d’amour que le
pauvre Poussin avait du mal à tirer sa calèche. Côme lui bécota les paupières,
qu’elle gardait fermées, trop heureuse de pouvoir enfin

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