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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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ressemblait à deux anneaux soudés en un seul
point.
    – J’ai une énorme nouvelle pour vous
deux.
    Elle vit la robe et la chemise posées sur le
lit.
    – Il y a un bal masqué ? Où ?
    – Non, gougoune. C’est pour le mariage.
    – On se déguise pour le mariage ?
    Élise regarda sa mère et haussa les épaules.
    – Personne veut entendre ma grande
nouvelle ? Bon.
    Micheline se planta devant la fenêtre tandis
qu’Élise cherchait une solution en cas de pluie.
    – Votre Honneur, chers membres du jury,
j’ai le plaisir de vous annoncer que M e Micheline Lauzé terminera
son barreau à l’été 1967 !
    Élise était agacée par l’intrusion de sa sœur.
    – Micheline, on a le temps d’y penser. La
noce, c’est dans moins de deux mois. On pourrait peut-être en reparler plus
tard…
    Du regard, elle supplia sa mère de continuer
leurs préparatifs, mais Blanche était déjà rendue près de Micheline et
l’enlaçait. Tandis que Micheline racontait sa folle envie d’être plaideuse,
Blanche rangea machinalement les accessoires qu’elle venait de présenter à son
aînée. Élise prit la robe de velours, alla la porter sur son lit et se réfugia
au sous-sol.
    – Mesdames et messieurs du jury, monsieur
le juge, ayez l’amabilité de dire à M e Lauzé qu’elle est hors
d’ordre et qu’elle vient de tuer une grande joie.
    En quelques instants, Élise s’était sentie
dépossédée de son bonheur, et, même si elle se réjouissait que sa sœur fût
talentueuse et ambitieuse, elle ne savait comment concilier leurs divergences
de plus en plus apparentes.

– 14 –
     
     
    Le mois d’août s’était évaporé dans le tulle
et les perles, le carton et le verre. Élise et sa mère avaient ajusté ses deux
robes. La blanche était un vrai chef-d’œuvre de broderie et de patience, et la
future belle-mère avait rapidement ravalé sa fierté quand elle avait vu sa
fille rayonner de bonheur en se regardant dans le miroir. Quant à la robe de
velours marine, elle faisait d’Élise une mariée coquine, buste ajusté, jupe
souple et légère qui laissait deviner sa cuisse lorsqu’elle marchait.
    Elles avaient choisi à trois les cartons
d’invitation, que les Vandersmissen avaient trouvés jolis, et elles avaient
calligraphié à l’encre verte sur les enveloppes les noms des invités. Dans
chacune d’elles, Élise avait glissé un pétale séché, arraché au bouquet offert
par Côme le 28 mai.
    La maison s’était métamorphosée en ruche.
Blanche cuisinait, cousait et courait au centre-ville, tantôt avec Élise pour
préparer la noce, tantôt avec Micheline pour compléter le trousseau de son
aînée ou choisir leurs propres toilettes.
    Élise allait fréquemment à L’Avenir pour
peindre et aménager le petit logement qu’elle habiterait avec Côme. Elle s’y
rendait toujours à contrecœur, triste de s’éloigner de chez elle, mais, dès
qu’elle se trouvait près de ses amours, Montréal reculait au-delà du fleuve.
    Côme et ses parents avaient eu une discussion
assez vive, ces derniers insistant pour que le jeune couple emménage avec eux.
Lorsque Côme avait fait part à Élise de leur offre ou de leur souhait – il
n’avait su comment nommer la chose –, Élise avait dit non si brusquement
qu’il en était resté bouche bée.
    – C’est toi que j’ai choisi, Côme. Je
suis incapable de m’imaginer prenant mon café tous les matins avec tes parents.
Quant aux nuits, je n’ai pas envie de les vivre en silence, parce que j’imagine
qu’on va sortir du monastère à un moment donné…
    Curieusement, c’était Côme qui n’osait aborder
ce sujet. Depuis son retour de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, il gardait ses
distances, même qu’il s’éloignait souvent d’elle lorsqu’il avait du mal à
résister à ses magnifiques attraits féminins. Tous les deux passaient des nuits
chastes, l’œil insomniaque et le corps en attente.
    Leur petit appartement était situé au village,
tout près de l’église et à un jet de pierre du bureau de poste. Il comportait
un salon, une cuisine avec dans un coin deux banquettes et une table rappelant
les restaurants, une chambre à coucher, et une toute petite pièce qui servait
de débarras pour l’instant et dans laquelle Élise avait l’intention d’installer
un canapé-lit pour le confort de sa mère et de sa sœur quand elles viendraient
la visiter.
    Ils avaient peint le salon en coquille d’œuf,
l’appellation

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