L'abandon de la mésange
l’arrière à la Audrey Hepburn et
retenue en chignon. Elle regarda ensuite Claude, qui souriait à sa promise, et
elle le méprisa. Cet homme allait faire souffrir sa sœur.
Ils passèrent au salon, où Élise remarqua la
sœur de Claude et son mari. Comme cette dernière avait le ventre rond comme une
pleine lune, Élise fit mine de ne pas l’avoir reconnue et elle se dirigea vers
le père de Claude, qui, assis dans un fauteuil de velours bordeaux, tétait un
bout de cigare dont il enfumait toute la pièce. Micheline lui emboîta le pas et
alla se présenter, faisant sa courbette de jeune couventine sous l’œil inquiet
de Claude qui, un bref instant, sembla affolé. Élise savoura la contenance de
sa sœur et tendit la main à son tour, imitée par Côme.
– Mon ami et collègue, Côme
Vandersmissen, papa. Je vous ai parlé de lui à plusieurs reprises.
M. Delambre fit : « Comment ça
va, très bien, très bien », avant de reporter son regard sur les deux
sœurs.
– Lauzé. Vous ne seriez pas, par hasard,
les filles de Clovis Lauzé, des Chemins de fer nationaux ?
Élise et Micheline dirent oui en même temps.
– Mais je ne pense pas que ce soit un
hasard...
Élise réussit à ne pas rire de l’effronterie
de sa sœur. Elles étaient prêtes toutes deux à entendre ce qu’allait dire
M. Delambre.
– Apparemment, vous avez hérité de son
sens de la répartie. C’était un bon ami à moi.
Elles se regardèrent en cherchant le nom de
Delambre dans leurs souvenirs. Ne le trouvant nulle part, elles optèrent pour
un air entendu.
– Un bon homme. On a passé des heures et
des heures à inventer des manières de trouver de l’argent pour soutenir trois
grosses colonies de vacances où allaient des petits enfants de la ville, qu’on
pourrait appeler des petits pauvres. J’imagine que vous avez vendu des boîtes
de savon ?
– Seigneur ! Oui, chaque année.
– C’était son idée, de vendre du savon.
Moi, j’avais pensé à des stylos, puis à des plumes. J’avais même pensé à des
cigares. Un bon homme, votre père. Quel dommage !
M. Delambre leur fit un petit signe de
tête, un sourire craquant sous sa moustache taillée et cirée, puis il tapota la
main d’Élise et ensuite celle de Micheline.
– Vous serez toujours les bienvenues ici.
– Merci, monsieur Delambre. Notre père
aurait été ravi de voir combien votre fils va faire un bon mariage.
Élise donna un coup de coude à Micheline et
chercha Côme du regard. Elle le vit s’approcher de la sœur de Claude, qui, si
son souvenir était bon, se nommait Nicole, et son mari, Roger. Elle alla le
rejoindre à contrecœur, ne pouvant plus éviter la présence de Nicole, à la
rondeur si déprimante. Il lui arrivait encore de placer un vêtement ou un
coussin dans sa culotte de pyjama, juste pour voir... Serait-elle jolie
enceinte ? Porterait-elle son bébé sous les seins, collé sur le nombril ou
allongé au niveau du bassin ? Elle attendait toujours la réponse à ces
questions...
– Nicole, tu reconnais Élise, notre
caléchier du temps des fêtes ?
Nicole la toisa en cherchant dans sa mémoire,
mais Élise voyait bien que si elle se souvenait d’elle, elle préférait feindre
le contraire, ne fût-ce que pour éviter de parler de la chambre d’hôtel que
Roger et elle avaient préférée à la piste de danse. De toute façon, Élise ne
voulait pas qu’elle en parle.
– Félicitations ! C’est pour quand ?
– La semaine dernière.
Toutes les personnes de leur petit groupe
firent : « Oh non ! c’est pas un modèle de ponctualité ! Il
est comme son père... Tu dois être fatiguée de porter ça... »
– Je ne porte rien, je le suis.
– Ça doit être extraordinaire d’avoir la
chance de le garder au chaud plus longtemps !
– Qu’est-ce que tu veux dire,
Élise ?
– Eh bien, chaque petite bouchée est pour
lui, chaque gorgée de lait est pour lui. Et puis, s’il est lourd à porter,
c’est quand même plus facile comme ça que d’être obligé de lui enfiler un habit
de neige, un chapeau, des mitaines, avant de l’emmitoufler dans une petite
couverture de laine...
Élise avait ralenti son débit devant le regard
mortifié de Côme, l’air étonné de Claude, la mine découragée de Françoise et
l’expression agacée de Nicole.
– La vérité, Lise...
– Élise...
– La vérité, Élise, c’est que j’ai mal
partout, que je ne dors plus, que
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