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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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de Micheline étaient parfaitement synchronisés avec ceux de Claude
et presque aussi spectaculaires. Élise se dit qu’ils avaient dû danser ensemble
très souvent pour posséder une telle harmonie et elle épia donc Françoise, qui
avait les sourcils froncés au-dessus d’un nez plissé et d’une bouche souriante.
    – Penses-tu qu’on est les seuls à
comprendre ?
    Côme avait posé la question en lui chuchotant
à l’oreille, dont le lobe était rouge, écrasé par des boucles qu’elle
abhorrait.
    – Et qu’est-ce que tu comprends, Côme ?
    Il se contenta de hausser les épaules. Puis ce
fut M. Delambre qui décida de prendre place sur la piste. Il tapota
l’épaule de son fils, qui lui céda sa partenaire. Élise retint son souffle,
espérant qu’il n’y avait là aucun message de père à fils. Les invités n’y
virent que du feu et ils applaudirent à tout rompre lorsque le père, âgé d’au
moins cinquante-cinq ans, entraîna Micheline sur les airs du pot-pourri que
jouait l’orchestre, passant du charleston au fox-trot, de la valse à la samba
et au tango. Côme et Élise admirèrent Micheline, qui, Élise le comprenait,
dansait avec le maître de son danseur étoile.
    Il se passa alors une chose tellement inusitée
qu’Élise ne sut comment la comprendre. Françoise étant retournée à sa place, le
père et le fils, dans une véritable corrida de danse, se lancèrent des défis
avec les jambes et les pieds, prenant tour à tour Micheline comme partenaire.
Elle virevoltait des bras de l’un aux bras de l’autre en une véritable
chorégraphie endiablée. Dès qu’elle changeait de partenaire, l’orchestre
changeait de danse sans perdre un seul battement. Les invités les
encourageaient en criant et en riant, les hommes tapant du pied et les femmes
battant des mains. Françoise s’était réfugiée près de ses parents, également
impressionnés. Élise fut la seule à voir partir Nicole et Roger, ce dernier,
agité, cachant tant bien que mal une tache huileuse sur les fesses de la robe à
pois noirs.
    S’essuyant le front, M. Delambre retourna
finalement à son fauteuil en riant de bonheur et prit une gorgée de cognac. Il
porta un toast à Claude – « À la jeunesse ! » – et à
Micheline – « À la beauté ! » –, négligeant
complètement de remercier sa future bru. Élise vit celle-ci faire la moue et
pensa méchamment que, pour devenir la maîtresse de ces lieux où ils se
trouvaient et pour avoir pour mari un homme aussi beau et aussi bien nanti que
Claude, elle devait déjà puiser le courage dans son sac à concessions.
    Ils se retrouvèrent dans la voiture aux
aurores et Micheline sembla s’assoupir sur la banquette arrière.
M. Delambre les avait toutes deux embrassées, leur demandant de présenter
ses hommages à leur mère et félicitant encore Micheline d’avoir été une si
souple partenaire. Lorsqu’il lui demanda où elle avait appris toutes ces
danses, elle répondit : « Dans un livre », ce qui le fit de
nouveau éclater de rire. Élise avait paniqué, et Côme, encore une fois, haussa
les épaules quand Micheline expliqua qu’elle posait sur le sol de grandes pages
sur lesquelles des pas de danse étaient dessinés.
    – En fait, j’ai appris à écraser des
pieds !
    Le silence régnait dans l’automobile, dont le
capot arborait les couleurs du soleil levant. Élise se détendit. Les Delambre
les avaient reçus comme savaient le faire les gens de la haute société, et cela
pendant plus de douze heures. Soudain elle entendit renifler Micheline. Elle se
tourna et vit que sa sœur, quoique toujours immobile et les yeux fermés,
n’était pas parvenue à retenir deux larmes.
    – Arrête-toi au belvédère, Côme.
    Le ton d’Élise ne laissant place à aucune résistance,
Côme immobilisa presque aussitôt le véhicule. Élise sortit et alla s’asseoir
sur la banquette arrière, prenant sa sœur dans ses bras. Et tandis que Côme
fumait une cigarette en regardant s’élever la boule de feu au-delà des
Montérégiennes, Micheline sanglotait sur l’épaule de sa sœur.
    – Ah ! Élise, ma vie va être
tellement longue et tellement difficile...
    – T’as le temps de la changer,
voyons !
    – Mais je veux pas, Élise. Je vais
étudier pendant encore quatre ans. Je peux pas, puis je veux pas avoir de
cavalier.
    – Tu t’es enfin décidée à laisser Claude
à sa fiancée ?
    – Non. J’ai accepté de le

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