L'abandon de la mésange
me Mère »,
ainsi que M. Vandersmissen, Côme et Élise avaient rebaptisé M me Vandersmissen.
Donc cet hiver avait été trop hâtif au goût de Côme, qui n’avait pas terminé
ses contrats, et trop hâtif au goût d’Élise aussi, puisqu’il lui rappelait que
leur crèche demeurait vide. Si Noël était le jour de la nativité, il devenait
pour Élise le rappel de son absence de maternité. La seule discussion qu’elle
avait eue avec Côme au sujet d’un enfant durant l’année avait porté sur une
petite fille belge née sans bras et que sa mère avait euthanasiée par une
mixture mortelle versée dans son biberon. La vraie coupable avait été la
thalidomide, et la mère avait été acquittée. Élise s’était tordue de douleur
alors que Côme avait secoué la tête en ne cessant de répéter que lui-même
n’aurait su que faire dans une telle situation.
– Si ça avait été notre enfant, tu
n’aurais pas su quoi faire ?
– Mais non, Élise ! Si j’avais été
juré, je n’aurais su que faire.
L’invitation les avait obligés à parler des
fiançailles de Claude, ce qu’Élise avait fait de façon purement factuelle, pour
ne pas éveiller de soupçons chez sa mère. Micheline elle-même n’avait pas
réagi. Élise en avait été soulagée. Mais voilà qu’elle était maintenant assise
sur la banquette arrière, et trop silencieuse à son goût.
– Je peux fumer ?
– Si tu ouvres la fenêtre.
– C’est que j’ai pas de cigarettes.
– Alors, tu peux pas fumer.
Micheline ne parla plus. Ils arrivèrent à la
maison des Delambre et un majordome embauché pour la soirée vint les accueillir
à la porte. Élise voulut mourir en voyant la classe des invités de Claude.
Celui-ci arriva enfin et Élise pinça le bras de Côme.
– Aïe !
– C’est parce que c’est tellement beau,
ici, que je me demandais si je ne rêvais pas...
– La prochaine fois, ma douce, pince-toi
toi-même !
Élise riait encore lorsque Claude vint enfin à
leur rencontre, les bras ouverts, le sourire éclatant. Quand il vit Micheline,
Élise aurait pu jurer qu’il avait tiqué – le temps d’un battement de
paupières, il est vrai, mais tiqué tout de même.
– Mes amis, bonsoir ! Merci d’être
venus ! Et quelle bonne idée d’avoir amené ta belle-sœur !
Micheline éclata de rire, au grand étonnement
d’Élise, et le remercia du compliment.
– Quel compliment ?
– Ne viens-tu pas de dire que je suis
belle ?
– Je ne parlais pas à Élise, mais à
Côme...
Élise se demanda où sa jeune sœur allait
chercher son aplomb.
– As-tu caché ta fiancée dans une petite
pièce fermée à clef ?
Côme avait souri en posant sa question. Claude
s’excusa et alla chercher sa fiancée. Élise vit Micheline se passer la langue
sur les lèvres, puis inspirer profondément avant d’expirer sèchement par la
bouche.
– Françoise...
Élise resta bouche bée. La Françoise qu’elle
avait déjà vue chez Côme ! Quand elle l’avait rencontrée – son
chagrin d’amour l’avait-il rendue méconnaissable ? –, Élise n’avait
pas remarqué qu’elle était une vraie « beauté de Hollywood ». Elle
aurait tout donné pour connaître les pensées de sa sœur. Il était impossible
que Micheline puisse conserver son calme devant une si belle femme, un spécimen
du genre de celles qui avaient toujours mis Élise mal à l’aise, tant ces belles
fonçaient dans la vie la tête la première, sachant que c’était là leur meilleur
atout. Micheline avança légèrement le front et complimenta Françoise sur sa
robe.
– On a juste à voir ta robe pour savoir
que t’as du goût. Une fille a du goût ou pas de goût. Du goût pour les robes,
puis du goût pour les hommes. Félicitations !
Elle jeta un regard criminel à Claude, qui
leva son verre de champagne pour porter un toast.
– À la jolie robe de ma fiancée et à la
jolie robe de la belle-sœur !
Élise crut mourir. Sa sœur, elle n’en doutait
plus, tenait Claude sous son charme. Elle leva son verre à la robe de Micheline
avant d’observer le comportement de celle-ci et d’en tirer malgré elle un
sentiment de fierté. Sa sœur était étonnante et, la regardant comme si elle la
voyait pour la première fois, elle la trouva encore plus belle que la fiancée,
avec ses jambes droites, sa robe ajustée et sa frange de cheveux lui entourant
le visage, le reste de sa chevelure tirée à
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