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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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ferme.
    – Si vous n’avez pas peur, ce sera moi.
Dans tous les cas, je peux le faire. Tandis que Côme vaquerait à ses drains
français et à ses terres à défricher, je serais dans les champs à conduire le
tracteur, j’achèterais les semences que Côme recommanderait, je m’occuperais
des poules…
    – Vaquerait…
    C’est sans perfidie qu’elle avait cherché à
comprendre les raisons des fréquentes absences de son fils.
    – Vous pourriez lui dire, mon petit, que
son père a maintenant cinquante-quatre ans.
    – C’est ce que je fais. Il me répond
toujours que son père est fait de la même étoffe que Charlie Chaplin.
    M me  Mère avait émis un petit
ricanement qu’elle voulait complice. Elle avait fait : « Pfiou !
On aura tout entendu ! Chaplin fait encore des enfants… » Élise avait
avalé ce semblant de confidence avec un total embarras. Les vieilles personnes
ne devraient jamais faire des aveux aussi intimes. Les vieilles personnes
devraient peut-être abandonner les nuits blanches aux jeunes amours.
    Élise aimait ses beaux-parents avec tout le respect
qui leur était dû et elle se savait aimée d’eux en retour, mais elle ne
parvenait pas à combler le vide que creusaient de plus en plus en elle les
absences de son mari. Son beau-père l’avait prise sous son aile affectueuse et
elle lui en savait gré, mais jamais elle ne trouva son aisselle aussi
confortable que l’avait été celle de son père. Il était vrai qu’elle n’avait
plus sa tête d’enfant à y enfouir.
    Depuis juin, les semis étaient terminés, et
Côme avait aidé son père comme il le faisait chaque année. Cette année
toutefois, ce dernier s’était senti bousculé, son fils travaillant à la vitesse
de l’éclair.
    – À ton avis, mon petit, c’est moi qui
ralentis ou c’est lui qui accélère ?
     
    * * *
     
    Élise reçut la visite réconfortante de sa mère
et de son oncle Paul, et tous les trois s’amusèrent comme des enfants en
colonie de vacances, jusqu’à ce que Paul se fasse indiscret.
    – Ton homme est déjà reparti ?
    – Pas pour longtemps. Une semaine.
    – Combien de fois est-ce qu’il part pas
longtemps, ton Flamand ? Une petite semaine sur deux, ça fait six mois par
année.
    – Ça, mon oncle, je dirais que ça nous
regarde. On a des rêves à réaliser, et des rêves, ça se paie.
    – Des rêves, des rêves… Quel genre de
rêves ? Des tomates carrées ? Du maïs à grains bleus et blancs ?
    La suspicion et l’ironie qu’elle lisait dans
le regard de son oncle troubla Élise.
    – Non. Des serres de légumes, des serres
de fleurs. Essayer de partir nos propres plants de tomates. Peut-être même
commencer la culture des chicons…
    – Des quoi ?
    – Des endives.
    Élise n’avait pas cessé de sourire, mais elle
supplia tacitement sa mère d’intervenir.
    – Ne m’as-tu pas dit, Élise, que Côme
voulait t’emmener en Belgique ?
    – Il me l’a promis cent fois. On en rêve
sans arrêt. J’ai très hâte de rencontrer sa famille, et on pense même aller au
Manitoba pour rencontrer la mienne.
    Heureusement pour Élise, Paul, sensible à ses
humeurs, cessa ses allusions embarrassantes, mais Élise, elle, structura ses
rêves.
    Lorsque Micheline, amaigrie, les traits tirés,
vint les retrouver pour la fin de semaine, Paul changea de cible.
    – Heureusement que tu as fini ta licence
en droit ! Deux autres années et tu disparaissais !
    – Sinon de maigreur, assassinée par mes
confrères !
    – Oh ! des meurtriers en toge…
    – C’est difficile d’être où je suis. Ça
manque de jupes.
    – Ça, ma pauvre fille, c’était un peu
prévisible.
    – Quand je dis ça, maman, il y a toujours
un farceur qui répond : « Ça manque peut-être de jupes, mais pas de
robes ! »
    – Les temps changent, mais parfois c’est
la tortue qui mène le bal…
    Ils se retrouvèrent tous les quatre à sarcler
dans le potager, qu’Élise et M me  Mère avaient agrandi. Il
faisait maintenant deux arpents carrés et nécessitait un entretien quotidien.
Tandis que Paul maniait la binette et Blanche le sarcloir, Élise et Micheline
s’étaient éloignées un peu et elles arrachaient les mauvaises herbes oubliées,
débarrassaient la terre des cailloux qui ne cessaient d’apparaître, et
récoltaient les haricots et les radis qu’ils mangeraient plus tard.
    – Et tes amours, Micheline ?
    – Quelles amours ? Et les

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