Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
tiennes,
Élise ?
    – Je m’interroge.
    Micheline avait accusé le coup. Elle ne
pouvait tolérer que sa sœur fût triste et elle en voulait à Côme de la
délaisser trop souvent.
    – Tu l’aimes encore ?
    – À m’en rendre malade. J’ai sincèrement
cru que le mariage ressemblait à la folie des soupirs, aux nuits blanches, aux
rigolades…
    – Parce que c’est pas ça ?
    Élise éclata de rire, étonnant sa sœur.
    – En fait, oui. J’ai soupiré pendant les
trois ans que j’ai attendu Côme. Je ris de moi et des rêves auxquels je fais
semblant de croire. Et si je soupire, c’est parce que je m’ennuie en
l’attendant. Je l’aime, tellement, Micheline.
    – Et lui ?
    – À sa façon, mais il lui arrive d’être…
réactionnaire. Par exemple, il comprend pas que tu veuilles être avocate. Ça
fait trois ans qu’il radote là-dessus. Il est convaincu que c’est un prétexte
pour trouver un mari riche. Comme pour les infirmières qui veulent épouser un
médecin. J’ai beau lui dire que papa ne l’était pas, il dit que c’est
l’exception qui confirme la règle.
    – Beaucoup de mes professeurs, même de
mes collègues, pensent la même chose. Ah ! Élise, la terre et ses
habitants m’étourdissent…
    Les deux sœurs se turent. Micheline ne parla
pas de Claude Delambre, même si Élise savait qu’il était toujours présent dans
sa vie. Élise lui en sut gré, car elle était encore mal à l’aise avec ce statut
de maîtresse que semblait avoir choisi sa sœur. La seule fois qu’elles en avaient
parlé avait été lorsque Françoise, son épouse, avait eu un bébé.
    – Tu penses pas qu’il est temps de
laisser Claude à sa famille, Micheline ?
    – Je fais rien que ça, Élise. Moi, c’est
à ses clients ou à ses restaurateurs que je l’enlève, jamais à sa famille.
    Élise aurait voulu confier ses angoisses à sa
sœur, mais elle ne le put. Comment comprendrait-elle qu’elle redoutait
l’existence d’une maîtresse dans la vie de Côme ; qu’elle ne se sentait
pas de taille à engager un duel ; que Côme était certes un bon mari, mais
un amoureux de moins en moins attentif ? Micheline se serait moquée d’elle
si elle lui avait révélé son désir qu’il la fasse monter derrière lui sur le
tracteur et la conduise près d’un tas de pierres dans les champs, ou qu’il lui
suce les doigts pour les nettoyer comme il l’avait fait déjà. Maintenant, il se
contentait de lui faire remarquer qu’elle avait les ongles sales. C’était un
bon mari, tout le monde le lui répétait, et elle concluait donc parfois qu’elle
était difficile et exigeante. Mais si elle avait vraiment pu s’ouvrir à sa
sœur, elle aurait avoué qu’elle avait de plus en plus de mal à être une bru,
une enfant adoptée, un greffon dans la famille, une fille de la ville en
perpétuel apprentissage à la campagne même si elle pouvait déjà en montrer à
plusieurs. Elle n’en pouvait plus d’attendre que la vie lui propose un
divertissement. Elle avait envie de crier qu’elle était trop sage et qu’elle ne
savait pas comment cesser de l’être.
    – Savais-tu, Élise, que seul un prêtre
peut biner et biner ?
    Son oncle l’avait ramenée dans le champ, une
pierre dans la main, une autre dans la poitrine.
    – Je n’essaie même pas de répondre, parce
que je sais que la réponse est prête.
    – C’est vrai… Je viens de biner dans le
champ, et j’aurais pu biner aussi si j’étais resté dans les ordres, parce que
biner, ça veut dire aussi célébrer deux messes dans la même journée. Ah !
    – Ça fait combien d’années que t’as
quitté les ordres ?
    – Plus de trente.
    Paul perdit son sourire et les deux sœurs
virent son moral s’affaisser. Elles s’empressèrent de le consoler, une main sur
l’épaule.
    – Attention ! Vous risquez de me
faire tomber encore plus bas…
    Il essaya vainement de les faire sourire.
Blanche les regarda, se demandant ce qui venait de se passer, tout comme elle
se demandait ce qui pressait M. Vandersmissen qui courait vers eux, rouge,
en nage, tantôt agitant les bras au-dessus de sa tête, tantôt se tenant la
poitrine.
    – Mimine ! Mimine !
    Lorsque Blanche entendit : « Au
secours ! Mimine ! », elle laissa tomber le sarcloir et courut à
la rencontre de M. Vandersmissen, sous le regard étonné de son frère et de
ses deux filles. Marcel, voyant qu’il avait été entendu, rebroussa chemin

Weitere Kostenlose Bücher