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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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en
direction de la maison. Tout le temps qu’elle courut, Blanche se dit que ses
jambes n’étaient plus ce qu’elles avaient été, sans se demander pour quelle
raison elle courait ainsi. M me  Vandersmissen s’était
certainement blessée. Heureusement qu’elle était là, infirmière aussi rouillée
que ses jambes, certes, mais infirmière tout de même.
    Elle entra dans la maison deux minutes après
M. Vandersmissen, suivie d’Élise. Micheline tardait, tenant son oncle par
le bras. Amélie était allongée sur le plancher de la cuisine, son mari
tremblant à ses côtés, lui secouant une main entre deux gifles.
    – Mimine ! Parle-moi ! Je ne
sais pas ce qu’elle a, madame Lauzé.
    Blanche s’agenouilla et s’empressa de prendre
le pouls d’Amélie. Elle leva ensuite une paupière et posa ses doigts sur la
carotide. Élise l’entendit murmurer : « Voyons ! » tandis
qu’elle-même appelait une ambulance. Sa mère posa une oreille sur la poitrine
et grimaça avant de diriger son regard vers M. Vandersmissen. Élise ferma
les yeux. Elle venait de reconnaître le silence et la couleur de la mort. Elle
posa le combiné et marcha vers son beau-père, qu’elle enlaça avant même que sa
mère ne lui ait dit que sa femme était décédée. Paul, essoufflé, s’avança vers
le corps, auquel il fit un signe de croix sur le front tandis que Marcel le
suppliait de cesser ses simagrées et ses incantations.
    Le cadavre d’Amélie fut conduit à la morgue et
y demeura pendant quatre jours, Élise ne parvenant pas à joindre Côme.

– 21 –
     
     
    Élise aurait mieux supporté la mort de M me  Mère
si Marcel n’avait pas répété sans cesse qu’elle était morte, « la pauvre,
sans avoir eu le temps de voir vivre sa vie ». Élise avait compris que
« vie » signifiait « descendance » et elle en avait été
mortifiée. Sa famille ne l’avait pas quittée ; Micheline était simplement
allée à Montréal pour en rapporter des vêtements convenables pour le salon
funéraire et les funérailles. Pendant quatre longues journées, ils firent la
navette entre la cuisine, la fenêtre, la route et les champs. À sa façon, le
temps était mort, lui aussi.
    Côme rentra de voyage à l’heure du souper,
comme d’habitude. Il posa sa valise et se précipita vers la cuisine, où
l’attendait un message laconique d’Élise : « Suis chez ton
père. »
    Il alla la rejoindre en sifflant et se heurta
à un mur de lamentations. À peine avait-il mis le pied dans la cuisine qu’il
vit son père marcher vers lui, les yeux bouffis et larmoyants, la bouche tordue
d’amertume. Marcel l’attrapa par le col de sa chemise et le força à sortir.
Élise voulut les suivre, mais Paul la retint. Ils entendirent éclater la colère
du père comme un orage.
    – Où étais-tu ? Où étais-tu quand
ton père a eu besoin de toi ?
    – Mais enfin, papa, laisse-moi ! Je
n’ai plus dix ans…
    – Ta mère est sur les dalles depuis
quatre jours, sans funérailles, sans requiem, parce que son fils est
introuvable !
    – Maman… quoi… ?
    – Allongée à la morgue ! Dans le
frigo, son pauvre corps, et non au chaud sous une couverture de terre. Où
cavalais-tu ? Dans quel lit étais-tu, Côme Vandersmissen ?
    – À l’hôtel de…
    Élise ferma les yeux et laissa couler ses
larmes quand retentit une gifle fracassante, suivie d’un bruit de course. Côme
venait d’être traité comme l’enfant d’école qu’il disait ne plus être.
L’agronome sérieux devait être humilié. Micheline hocha la tête de dépit tandis
que Blanche enlaçait son aînée. Quant à Paul, il alla retrouver le père, écrasé
sur une chaise du jardin, l’œil haineux, incapable de retenir ses larmes.
    – J’ai honte que mon fils fasse souffrir
la fille de l’homme qui nous a permis de prendre racine ici. Heureusement que
sa mère n’a jamais su que nous avions engendré un menteur, un lâche, un couard,
un…
    – À votre place, monsieur Vandersmissen,
je me permettrais de penser tout ce que je veux, mais j’attendrais avant de
laisser ma pensée prendre le chemin de la parole…
    M. Vandersmissen le regarda, lui tapota
la cuisse en acquiesçant et partit pleurer dans les champs.
    Élise abandonna sa famille à la ferme et rentra
chez elle. Chemin faisant, elle aperçut la voiture de Côme parquée devant la
taverne. Elle monta l’escalier, s’arrêtant à chaque marche pour reprendre son
souffle

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