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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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à un, les gens partirent, avec un air lugubre de circonstance.
Marcel fut ébranlé lorsque Élise revint le saluer en lui annonçant qu’elle
allait passer quelque temps à Montréal.
    – Non, mon petit… Pas deux deuils, pas
deux départs… Enfin…
    – Il faut que j’aille comprendre…
    – Le con ! L’imbécile ! Nous
faire un affront pareil, à sa mère et…
    Marcel ne termina pas sa phrase. Il étreignit
Élise en la suppliant de revenir le plus rapidement possible.
    – Tu vas revenir, n’est-ce pas ?
    – Je devrais, oui.
    Elle rejoignit sa famille à la gare. Lorsque
le train glissa lourdement sur les rails, elle se précipita vers les toilettes
pour ne pas voir Côme, au cas où il se serait trouvé sur le quai. Assise sur la
cuvette, elle se berça pour engourdir sa douleur.
    Le retour fut alourdi par le silence. Le train
prit du retard, mais ne s’immobilisa jamais, au grand soulagement d’Élise, qui
n’aurait pu supporter un arrêt en pleine campagne. À un moment, elle prit la
main de sa mère en disant doucement : « Ici. » Blanche comprit
et baissa le front. Les quatre voyageurs restèrent plongés dans leurs pensées
durant presque tout le trajet. Blanche ne savait ce qui allait advenir de son
aînée, tandis que Micheline refusait de croire que Françoise Delambre puisse
souffrir autant que sa sœur souffrait en ce moment.
    Tandis que le train s’éloignait de
Drummondville, Élise cherchait à reconstituer le quotidien de sa vie de
citadine, mais sans y parvenir. Elle n’avait d’heures que pour le potager et
les fleurs, les poules et les veaux. Elle n’avait de nuits que pour Côme, et il
venait de l’en sevrer. Elle avait mal à la légèreté de sa vie.
    Paul avait les yeux braqués sur le paysage,
les lèvres soudées par l’amertume.
    – Rayon de lune !
    Blanche sursauta et regarda son frère avec
reproche.
    – C’est pas le moment, Paul.
    – C’est le moment…
    – Qu’est-ce que tu veux nous dire, mon
oncle ?
    – Qu’un jour, dans le village de
Saint-Tite, il y a eu une rumeur. Notre père, disait la rumeur, avait essayé de
se remarier, au point de publier les bans. Loin de la paroisse.
    – C’est dégueulasse !
    – Bien non, Micheline. C’était une
rumeur. Mais notre mère est partie pour vérifier.
    – Paul !
    – Elle est allée le chercher. Elle l’a
retrouvé. Il vivait dans une cabane, dans les bois, avec, paraît-il, le plus
beau brin de fille aux yeux noirs et ronds comme des billes. Un teint mat, des
cheveux longs jusqu’aux fesses.
    – Paul !
    Élise et Micheline se regardèrent, assommées.
    – Son nom, c’était Rayon de lune, mais
c’était pas celui de son baptistaire.
    Paul retint un rire amer.
    – Eh ! Depuis que le monde est
monde, pourquoi est-ce qu’il faut que chaque personne se brûle pour apprendre
ce que ça veut dire, à chaud » ?
    – Et puis ? Qu’est-ce qu’elle a
fait, votre mère ?
    – Paul !
    – Ma pauvre Micheline, rien.
    – Rien ?
    – Rien. Elle est revenue au village, la
tête haute, et est rentrée à la maison pour s’occuper de nous. Peut-être
qu’elle lui a pardonné, on saura jamais. Une sainte, que je vous dis.
    Élise se leva de la banquette, troublée.
    – En tout cas, moi, j’ai pas de talent
pour être une sainte.
    – Toi, pas de talent ? Tu veux rire,
ma sœur ?
    Au grand désespoir d’Élise, Côme l’attendait
sur le quai de la gare, à Montréal.
    – Ça n’a pas de bon sens, Élise. On ne
peut pas briser une alliance comme ça !
    – Ah ! tu commences à y
penser !
    – Je te ramène. Ne prends même pas la
peine de défaire ta valise.
    – Trop tard !
    – Si tu ne veux pas le faire pour moi,
fais-le pour mon père. Il ne peut quand même pas perdre sa femme et sa
belle-fille dans la même semaine.
    – Il a peut-être perdu un fils, aussi.
    Élise détourna le regard. Côme faisait tout
pour lui enfiler son tablier de femme aimante, douce et serviable, mais elle
résistait de toutes les fibres de son corps.
    – Vois-tu, Côme, je suis incapable de
vivre avec l’idée que tu as porté du beau linge propre, lavé puis repassé par
moi, puis que c’est une autre femme qui t’a déshabillé. Tu te rends
compte ? Comment est-ce que tu t’es senti quand elle a passé sa main sous
ta chemise que moi j’avais repassée ? Et quand elle t’a arraché ton
boxer-short ? As-tu pensé à moi, Côme, l’épaisse qui

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