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L'absent

L'absent

Titel: L'absent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Rambaud
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retournions à Elbe ?
    — Qu’on se prépare au combat ! cria l’Empereur
sans l’entendre.
    — Ils avancent plus vite que nous…
    — Allégez autant que vous pouvez, allez, remuez-vous,
Chautard ! Sabordez le canot le plus lourd.
    Fausse alerte : la corvette filait vers l’est ;
plus avant dans la journée ils aperçurent la Fleur de Lys, l’un de ces
vaisseaux français qui avaient tourné quelque temps autour d’Elbe, mais il
était à l’ancre. Jusqu’à la soirée ils ne rencontrèrent aucun obstacle. Puis
ils virent un brick qui naviguait droit sur eux. Les deux navires allaient bientôt
se côtoyer. L’un des matelots descendit de la hune et dit :
    — Je connais ce bateau, c’est le Zéphyr. Y’a pas
de danger, le capitaine Andrieux nous fera pas de mal.
    — Si on hissait le drapeau tricolore, sire ?
proposa Chautard.
    — Non. Prenez votre porte-voix.
    Le capitaine obéit et Napoléon commanda aux grenadiers
entassés sur le pont :
    — Ôtez vos bonnets et couchez-vous.
    Il en fit autant, le dos au bastingage, et lorsque le Zéphyr fut bord à bord :
    — Chautard, vous répéterez ce que je vous soufflerai.
    — Oui, oui…
    Le capitaine Andrieux, comme les deux bateaux se croisaient,
emboucha son porte-voix :
    — Qui êtes-vous ?
    — Capitaine Chautard…
    — Je vous avais pris pour un brick anglais.
    — C’est en effet un navire anglais, soufflait
l’Empereur à Chautard qui répéta mot à mot.
    — Avec le pavillon d’Elbe ?
    — C’est un cadeau du roi d’Angleterre, répondit
Chautard en répétant toujours.
    — Et vous allez en Italie ?
    — Nous partons chercher des arbres à Gênes.
    — Comment va papa ?
    — Souverainement bien.
    — Quand vous retournerez à Porto Ferraio, dites-lui
qu’il nous manque !
    Après ces brèves politesses, les deux navires reprirent
leurs courses contraires ; Chautard se baissa vers l’Empereur accroupi
derrière un caisson :
    — Vous avez entendu, sire, il vous a appelé papa…
     
    L’Inconstant allégé distança pendant la nuit les
embarcations du convoi. La chambre de l’Empereur était allumée. Par l’écoutille
ouverte les soldats pouvaient le voir marcher de long en large, une main dans
le dos et l’autre sous le gilet, qui dictait à Octave penché sur une tablette.
Ils voyaient aussi le comte Bertrand, livide, écrasé dans un fauteuil, tué par
le roulis. Octave ressortit avec des feuilles à la main et se dirigea vers
M. Pons qui faisait distribuer des bougies et des lanternes. « Nous
pouvons y aller », dit seulement Octave, et sur le gaillard d’arrière, en
surplomb des passagers couchés sur le pont, il prit la parole :
    — Sa Majesté vient de composer des proclamations. Dès
que nous débarquerons, nous les placarderons dans les villes et les villages
rencontrés.
    — Nous avons besoin de copistes pour les reproduire en
quantité, continua Pons.
    — Moi ! Moi ! Moi !
    Des dizaines de soldats et d’officiers se levèrent, auquel on
distribua du papier blanc, des plumes et des pots d’encre. Ils s’installèrent
où ils pouvaient, assis, à genoux contre un tambour, à plat ventre, et, sous
les lumières disparates posées près d’eux ou tenues par les déshérités qui ne
savaient pas écrire, et en étaient furieux, ils se mirent à copier en
s’appliquant à bien former leurs lettres, les textes que lisaient Octave et
Pons :
     
    Français, j’ai entendu de mon exil vos plaintes et vos
vœux. J’ai traversé les mers, j’arrive parmi vous reprendre mes droits, qui
sont les vôtres…
     
    La cale devenait pareillement une salle d’étude où les
copistes couvraient leurs feuilles des mots que leur dictaient Drouot et
Cambronne :
     
    Soldats, l’aigle avec les couleurs nationales volera
de clocher en clocher jusqu’aux tours de Notre-Dame…
     
    Quand chacun avait achevé son affichette, il la reproduisait
en deux, dix exemplaires. M. Pons s’y mit aussi, avec Octave, appuyés sur
les marches d’un escabeau, dans une coursive et sous un lumignon qui se
balançait au rythme du bateau. Pons leva sa plume et demanda à son
compagnon :
    — Vous pensez toujours qu’on n’existe pas, à côté de
l’Empereur ?
    — Je n’ai jamais dit une chose semblable…
    — Oh si, mon cher, la première fois où je vous ai
emmené au Buono Gusto. Il est vrai que vous étiez éméché.
    — Ah ? Je le crois toujours, même à jeun, mais on
vit au

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