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L'absent

L'absent

Titel: L'absent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Rambaud
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Burban, Polignac. Ces
tentatives d’assassinat avaient en fait servi l’Empire ; l’opinion avait
mieux accepté, à cause d’elles, qu’on renforce les mesures de police et de
censure, qu’on affermisse l’autorité, qu’on multiplie les proscriptions ou les
exécutions, mais celle-ci, qui n’aboutirait pas, comment pourrait-on
l’utiliser ? Octave tira Bassano de ses pensées :
    — Je viens demander vos ordres, monsieur le duc.
    — Laissez votre marquis approcher, s’il approche.
    — Ensuite ?
    — L’Empereur veut attaquer demain, nos ennemis le
savent et ils en tremblent. Selon votre Maubreuil, les alliés ont l’intention
de se replier sur Meaux : voilà bien la seule information intéressante de son
billet, que je vais communiquer à Sa Majesté.
    — Mais lui ?
    — Il peut échouer près de son but, n’est-ce pas ?
    — Sans doute.
    — Si on le supprime, cela vous nuirait-il auprès des
royalistes ?
    — Je ne crois pas.
    — Moi non plus.
    — Donc, s’il se manifeste…
    — Eh bien vous le tuez. On répétera au-dehors qu’un
marquis exalté a manqué son coup et vous n’y serez pour rien aux yeux de ses
commanditaires, que vous pourrez continuer à surveiller. Vous êtes armé ?
    — Non.
    — Je vais vous fournir quelques hommes, vous n’aurez
qu’à leur désigner notre proie.
    — Je préfère m’en occuper seul, monsieur le duc.
    — À votre aise.
    — Mais…
    — Mais ?
    — Il me faudrait un couteau de chasse.
    — C’est facile.
    Bassano appela, demanda qu’on lui apporte à l’instant le
couteau réclamé par Octave. En attendant l’arme, le duc lui demanda :
    — Ce Maubreuil, vous le croyez convaincu ?
    — Mieux : il est payé.
    — Avec des promesses ou des pièces d’or ?
    — Des promesses. D’après ce qu’il m’a raconté, la
première fois, chez le cordonnier Boiron, Talleyrand lui aurait en personne
proposé un titre de duc, le gouvernement d’une province, deux cent mille livres
de rentes…
    — Pffft ! Au moindre obstacle il va s’évanouir.
    — Comment le savoir ?
    — S’il espère un titre, une province et une rente,
c’est qu’il tient à la vie.
    — Et s’il tient à la vie ?
    — Il ne va pas la risquer.
    Un chambellan entra, avec le couteau d’Octave dans un étui
de cuir. Celui-ci le passa à sa ceinture, sous la redingote, salua et sortit de
la pièce. Ce présumé assassin, ce mondain, ce matamore de Maubreuil
n’inquiétait guère le duc de Bassano. D’ailleurs Octave ferait le nécessaire.
En revanche, le mot du préfet Pasquier à propos des Jacobins lui tournait dans
la tête. Il pensait à Fouché. L’ancien ministre de la police, congédié, pouvait
jouer le jeu des Jacobins, et il était féroce, et il avait conservé pour lui
seul les noms de ses indicateurs, faubourg Saint-Germain comme dans l’armée ou
à la Cour ; mais les événements, par chance, le retenaient à Lyon. Les
autres ? du fretin. En réalité, Bassano s’inquiétait des maréchaux. S’ils
venaient à manquer, ceux-là, l’Empire serait perdu. Napoléon ne s’en défiait
pas assez, il les croyait aux ordres, il répétait que sans lui ils tomberaient.
Pourtant, il y avait deux semaines, devant Arcis-sur-Aube en flammes, certains
avaient comploté face à l’ennemi, ces quarante mille Bavarois et Autrichiens
qu’ils n’arrivaient plus à contenir ; Ney avait même traité l’Empereur de
fléau. Les maréchaux grondaient. Leurs épouses, leurs hôtels et leurs biens étaient
à Paris : allaient-ils marcher sur Paris pour détruire leurs biens, leurs
hôtels, et risquer la mort de leurs épouses ? Intrépide canaille, jaloux,
colérique, intéressé, Ney devenait dangereux. Son beau-père habitait justement
le faubourg Saint-Germain, ce repaire d’aristos, et si sa femme Églé avait été
une amie de pension d’Hortense de Beauharnais, elle était aussi la fille d’une
femme de chambre de Marie-Antoinette, M me  Auguié, qui s’était
jetée par une fenêtre pour échapper aux limiers de Robespierre, peu de jours
avant ce 9 thermidor qui l’aurait sauvée.
     
    Michel Ney, prince de la Moskova, a le teint rouge comme sa
chevelure en bagarre. Il est furibond. Il marche dans la galerie à grandes
enjambées et ses éperons claquent. « Je vais lui dire, ah oui, je vais lui
dire ! » Il répète ces mots comme une litanie pour se donner du cœur.
Les autres maréchaux essaient de le suivre

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