Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'absent

L'absent

Titel: L'absent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Rambaud
Vom Netzwerk:
n’avait-il pas été prévenu par un billet ?
Qui devait-il croire ? Comment cette opération criminelle allait-elle se
dérouler ? À la veilleuse, tout se brouillait et prenait des proportions.
    Le valet de chambre Hubert, courtois et cultivé, délivra
Octave à la pointe du jour ; celui-ci put enfin quitter l’antichambre
inconfortable. Il franchit le piquet de grenadiers qui veillait à la sûreté des
appartements impériaux, partit dans les couloirs en se massant les reins. Il
croisa d’autres militaires et d’autres domestiques fébriles. Par pelotons, des
soldats circulaient dans la cour en scandant des hymnes guerriers au son des
fifres, ou en criant : « À Paris ! À Paris ! » pour
maintenir l’exaltation qui précède un combat imminent. Quand Octave arriva
devant sa porte, un garçon de garde-robe l’attendait avec un sac de toile qu’il
lui tendit :
    — C’est pour vous, monsieur…
    — Pour moi ? s’étonnait Octave.
    — Oui oui.
    — Tu en es sûr ?
    — Dame !
    — Tu me connais donc ?
    — Ben oui, vous êtes le cousin à Chauvin.
    — Le cousin de M. Chauvin, d’accord, mais comment
le sais-tu ?
    — Au château, tout s’répète.
    — Et tu m’attends depuis longtemps ?
    — Oh non, je m’suis renseigné.
    — Sur quoi ?
    — Sur vos heures.
    — Auprès de qui ?
    — Monsieur l’Préfet du Palais, tiens.
    Octave avait pris le sac et l’ouvrit pour regarder ce qu’il
contenait :
    — Des bottes ?
    — Ça m’surprendrait pas.
    — Pourquoi cela, garnement ?
    — C’est le père Boiron qui les a déposées pour vous au
poste de garde, hier soir.
    — Tu connais aussi le père Boiron ?
    — Tout l’monde le connaît, chez le personnel qui reste
au château.
    — Il vient souvent ?
    — Il rend des services, quoi.
    — De quel genre ?
    — Ben il est cordonnier, alors il répare.
    — Il est déjà venu à l’intérieur du palais ?
    — Quand Sa Majesté est pas là, sinon…
    — Sinon ?
    — Y’a des soldats qui sont pas d’ici, ils l’empêchent
de passer.
    — Ils l’ont empêché de passer ?
    — Comme je vous dis, mais j’étais là et j’ai pris
vot’paquet.
    — Les soldats ont regardé dedans ?
    — Oui.
    — Et alors ?
    — Ils ont vu des bottes, j’ai dit que c’était pour vous
et j’ai dit qui vous êtes. J’ai pas bien fait, monsieur ?
    — Si.
    — Je peux m’en aller ?
    — File !
    Octave jeta le sac sur son lit et en sortit une paire de
bottes neuves. Sous l’un des revers il trouva une feuille, qu’il déplia :
     
    Monsieur le chevalier, c’est pour ce soir. Nos alliés
sont pressés. Ils savent que Buonaparte va les attaquer mardi et ils veulent
éviter une nouvelle guerre douteuse. Ils parlent même d’abandonner Paris et de
se replier sur Meaux. Il y a donc urgence. Si mon uniforme me permet d’accéder
au château, le vôtre doit me permettre d’accéder dans la nuit à l’appartement
du tyran. J’ai un sabre.
     
    Maubreuil.
     
    Le duc de Bassano reposa sur son bureau le billet de Maubreuil.
Il souriait légèrement, comme toujours, mais plissait les gros sourcils noirs
qui lui rayaient le bas du front. Octave était debout devant lui, en tenue
civile. Avec un mouvement de la tête lent et composé, car il copiait les
manières méprisantes qu’il attribuait à la vraie noblesse, le duc lui dit de sa
voix onctueuse :
    — Votre marquis est un dilettante. Quelle sotte idée,
celle du message dans les bottes ; même un Désaugiers n’aurait pas osé,
dans ses pires vaudevilles. Et puis ce gentilhomme a un plan fantaisiste.
    — Fantaisiste ou non, monsieur le duc, il a une
intention claire.
    — Certes…
    — Sa famille est dévouée à la cause royale, il est
apparenté aux La Rochejaquelein.
    — Qu’il soit vendéen ne prouve pas son courage ni son
habileté : comment peut-il imaginer qu’un valet de chambre puisse lui
ouvrir les portes de l’appartement impérial en pleine nuit ? Il y a les
aides de camp, M. Constant dont la chambre communique par un escalier à
vis avec celle de l’Empereur, ce fantoche de Roustan en travers, des soldats
plein les corridors…
    Depuis la machine infernale qui explosa rue Saint-Nicaise,
quatorze ans plus tôt, les complots contre Napoléon avaient été déjoués. Les
sicaires à particule envoyés d’Angleterre par le comte d’Artois avaient été
balayés, tous, les Cadoudal, les Rivière, les Bouvet,

Weitere Kostenlose Bücher