Labyrinthe
conduisant à une section de pierres tombales récemment aménagée. Au-delà, un portillon.
L'homme lui posa la main sur le bras.
« Maintenant, docteur Tan… »
Alice se propulsa comme un sprinter sur ses blocs de départ. Surpris, les deux hommes tardèrent à réagir. Un cri s'éleva, mais elle avait déjà sauté les marches et, franchissant le portillon, arrivait chemin des Anglais.
Une voiture, qui s'essoufflait à monter la colline, freina brusquement. Alice ne s'arrêta pas. Elle se rua vers une porte de bois délabrée et se retrouva dans un champ de vigne parcouru de sillons qu'elle traversa en trébuchant. Non contents d'être toujours à ses trousses, les deux hommes semblaient gagner du terrain. Le sang martelait ses oreilles, et les muscles de ses jambes étaient tendus comme des cordes de piano, sans que cela la ralentît pour autant.
L'extrémité du champ était clôturée par une grille de métal, trop haute pour être enjambée. Saisie de panique, elle scruta fébrilement les lieux et découvrit, à l'angle opposé, une trouée. Se jetant sur le sol, elle rampa sur le ventre, des cailloux pointus lui écorchant les paumes et les genoux. Quand elle se glissa sous le grillage, les pointes de métal accrochèrent sa veste, la retinrent comme une mouche dans une toile d'araignée. Elle tira, s'évertua et, au prix d'un ultime effort, parvint à se libérer, abandonnant sur place un morceau de tissu.
Elle se retrouva dans un potager, où des tuteurs de bambous soutenaient des plants d'aubergines, de courgettes et de haricots verts, qui la mettaient à l'abri des regards. Le dos courbé, elle zigzagua à travers les différentes parcelles, cherchant un abri derrière les bâtiments de ferme. Au moment où elle tourna un coin, un mastiff attaché à une chaîne bondit, babines retroussées, en aboyant furieusement. Alice recula précipitamment en étouffant un cri.
L'entrée principale de la ferme accédait directement à une rue très fréquentée qui longeait le pied de la colline. Ce n'est qu'une fois sur la chaussée qu'elle regarda par-dessus son épaule. Il n'y avait personne. Un espace silencieux s'étendait derrière elle. Selon toute apparence, les hommes avaient abandonné la poursuite.
Haletante, exténuée autant que soulagée, Alice s'astreignit à reprendre son souffle et attendit que cessât le violent tremblement de ses jambes et de ses bras. Déjà, son esprit se remettait en marche.
Que vas-tu faire, maintenant ? Les deux hommes allaient à coup sûr retourner à l'hôtel et guetter sa venue. Elle ne pouvait donc s'y réfugier. En fouillant dans ses poches, elle fut soulagée de constater que, malgré son affolement, ses clés de voiture n'étaient pas égarées. Quant à son sac à dos, il l'attendait dans le véhicule, coincé derrière le siège du conducteur.
Tu dois avertir Noubel.
Elle revit en pensée le morceau de papier où le policier avait griffonné son numéro de téléphone, rangé dans son sac à dos, avec l'essentiel de ses effets. Elle s'épousseta. Son blue-jean était poussiéreux et présentait un vilain accroc au niveau du genou. Sa seule chance était de regagner son véhicule en priant le ciel que les deux prétendus policiers ne l'y attendent pas.
Alice suivit d'un pas pressé la rue Barbacane, détournant la tête chaque fois qu'une voiture la croisait. Passé l'église, elle emprunta un raccourci vers une petite route sur la droite nommée rue de la Gaffe.
Qui les a envoyés ?
Elle continua son chemin avec la même hâte, sur le côté ombragé de la chaussée. Dans leur alignement serré, les maisons semblaient empiéter les unes sur les autres, au point qu'il eût été difficile de dire où finissait l'une et où l'autre commençait. Un picotement dans la nuque l'incita brusquement à s'arrêter, pour contempler, à sa droite, une jolie maisonnette jaune, avec le sentiment que quelqu'un, debout sur le devant de porte, aurait pu l'observer. Cependant, portes et fenêtres étaient rigoureusement fermées. Après une courte hésitation, elle reprit sa progression.
Devait-elle changer ses projets à propos de son voyage à Chartres ?
Elle prit conscience en tout cas que d'avoir la confirmation d'être en danger, de n'être pas victime de son imagination, la renforçait dans sa décision. Plus elle y songeait plus s'installait en elle la certitude qu'Authié était l'instigateur du complot qui la menaçait. Il était convaincu qu'elle avait
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