Labyrinthe
s'adressa à Guilhem : « Entendez-vous ce que je dis, messire ? Au cas où vous voudriez vous retourner contre moi.
— Je ne permettrai point que vous lui portiez tort !
— Vous n'êtes guère en position de me menacer, ricana Oriane. Je dispose d'assez de preuves pour vous conduire au gibet.
— L'unique preuve que vous ayez, c'est votre parole ! vociféra Guilhem. Le vicomte ne vous croira jamais.
— Si vous pensez que j'ai laissé place à quelque doute, vous me sous-estimez, messire. Prendriez-vous un tel risque ? Dites-moi où est caché le manuscrit ou je livre la vérité au vicomte », répéta-t-elle à sa sœur.
Alaïs déglutit douloureusement. Quel outrage autre que la tromper avait donc commis Guilhem ? Ses pensées battaient la campagne. En dépit de son légitime courroux, elle ne pouvait se résoudre à ce qu'il fût dénoncé.
« Notre père a remis le livre à François », avoua-t-elle enfin.
Une lueur de désarroi passa dans le regard d'Oriane, disparaissant aussi vite qu'elle lui était venue.
« Fort bien. Je vous préviens, ma sœur : si vous m'avez menti, je vous le ferai regretter, conclut-elle en allant vers la porte.
— Où allez-vous, ainsi ?
— Où pensez-vous ? M'apprêter pour payer mes respects à mon père. Néanmoins, je tiens auparavant à ce que vous soyez en sûreté dans votre chambre.
— Cela ne sera point nécessaire, répliqua Alaïs en défiant sa sœur du regard.
— Cela me semble, à l'inverse, indispensable. Si François ne peut me prêter son concours, au moins me sera-t-il loisible de m'entretenir derechef avec vous. »
Guilhem hasarda une nouvelle tentative de persuasion.
« Elle ment. Je n'ai commis aucun acte répréhensible.
— Ce que vous avez ou n'avez point fait n'est plus de mon ressort, Guilhem, lui répondit Alaïs. Vous saviez ce que vous faisiez en vous ébattant auprès d'elle. À présent, laissez-moi, je vous prie. »
Tête haute, Alaïs regagna sa chambre, Oriane et Guirande sur ses talons.
« Je reviendrai tantôt, après m'être entretenue avec François.
— Comme il vous plaira. »
Oriane quitta la chambre en fermant la porte à clé comme le redoutait Alaïs. Dans le couloir, la querelle entre sa sœur et Guilhem se poursuivait.
Elle tenta de se clore à leurs voix, aux images avilissantes qui lui empoisonnaient l'esprit. Elle ne pouvait s'empêcher de songer à Guilhem et Oriane dans les bras l'un de l'autre ni se soustraire à l'idée qu'il avait murmuré à sa sœur des mots qu'elle ne croyait destinés qu'à elle seule, des perles qu'elle chérissait au tréfonds de son cœur.
Alaïs posa sur sa poitrine une main tremblante. Trahi, bafoué, ce même cœur cognait violemment contre ses côtes. Elle déglutit avec peine.
Ne pense point à ton sort.
Elle ouvrit les yeux et laissa tomber ses bras le long du corps, poings serrés de détresse. Elle ne pouvait s'autoriser la moindre faiblesse, faute de quoi, Oriane lui aurait enlevé tout ce qui faisait d'elle une personne de valeur. Le temps des récriminations et des regrets viendrait un jour ; pour l'heure, la promesse à son père de mettre le manuscrit en sûreté revêtait un caractère autrement important que son cœur brisé. Pour malaisé que cela fût, elle devait s'ôter Guilhem de l'esprit. Elle s'était laissé docilement enfermer dans sa chambre en raison de ce qu'Oriane avait évoqué. Le troisième livre . Elle voulait savoir où était caché le troisième livre.
Elle se précipita sur sa cape, toujours posée sur le dossier de la chaise et, après quelques rapides tâtonnements, s'avisa que le livre qu'elle y avait cousu avait disparu.
Submergée de désespoir, elle s'effondra sur un siège. Oriane détenait le manuscrit de Siméon. Bientôt, son mensonge à propos de celui de son père serait éventé et Oriane reviendrait l'interroger.
Et qu'en est-il d'Esclarmonde ?
Elle s'aperçut qu'entre-temps, dans le couloir, les échanges fielleux entre Guilhem et Oriane avaient cessé.
Sont-ils ensemble ?
Elle ne savait plus qu'en penser. En vérité, peu importait. Il l'avait trahie une fois et recommencerait. Elle devait refouler ses sentiments au fond de son cœur meurtri, et songer plutôt à fuir, pendant que l'occasion lui en était donnée.
Elle déchira le coussinet de lavande afin de retrouver la copie qu'elle avait exécutée du parchemin qui se trouvait dans le Livre des Nombres , puis promena un regard circulaire sur la
Weitere Kostenlose Bücher