Labyrinthe
sourire acerbe. « C'est à vous qu'il se confiait, à vous qu'il livrait ses plus profonds secrets. »
Malgré le froid qui lui figeait le corps, Alaïs sentit le feu lui monter aux joues.
« Que voulez-vous dire ? s'enquit-elle en redoutant d'avance la réponse de sa sœur.
— Vous m'avez fort bien entendue, persifla-t-elle. Pensez-vous que je ne sache rien de vos conversations nocturnes ? Sans la protection de notre père, votre existence va changer, petite sœur. Voilà bien trop longtemps que vous n'en faites qu'à votre tête. » Elle saisit brusquement Alaïs par le poignet : « Dites-moi où est le troisième livre.
— Je n'entends point votre requête. »
Oriane frappa alors Alaïs en plein visage.
« Où est-il ? gronda-t-elle. Je sais qu'il est en votre possession.
— Laissez-moi.
— Ne vous livrez point à ces petits jeux avec moi, ma sœur. Il vous l'a forcément remis ; il n'avait nulle autre personne à qui se fier. Dites-moi où il se trouve. Il me le faut. »
Un tressaillement parcourut Alaïs.
« Vous ne pouvez agir, quelqu'un peut survenir.
— Qui donc ? Vous semblez oublier que notre père ne peut vous protéger, à présent.
— Guilhem le peut.
— À l'évidence, s'esclaffa Oriane. J'oubliais que vous vous êtes raccommodée avec votre cher époux. Savez-vous ce qu'il pense de vous ? L'imaginez-vous seulement ? »
À cet instant, la porte s'ouvrit violemment.
« Il suffit ! » tempêta Guilhem en faisant irruption dans la chambre.
Oriane s'empressa de relâcher Alaïs, alors que celle-ci se précipitait dans les bras de son époux.
« Mon còr , je suis venu sitôt que j'ai appris la triste nouvelle. J'en suis fort contristé.
— Quelle scène touchante ! s'exclama Oriane d'une voix âpre. Demandez-lui ce qui l'a ramené dans votre couche, chère sœur ! assena-t-elle dédaigneusement en fixant Guilhem. À moins que vous ne redoutiez trop d'ouïr ses paroles, interrogezle, Alaïs. Il n'y a en lui nul amour ni même désir. Votre réconciliation ne le doit qu'au manuscrit et à rien d'autre.
— Je vous préviens, tenez votre langue !
— Pourquoi ? Redoutez-vous tant ce que je puis révéler ? »
Alaïs ressentit le climat de tension qui régnait entre eux, aboutissement d'inavouables complicités, et comprit aussitôt.
Non, cela ne se peut.
« Ce n'est point vous qu'il désire, Alaïs, mais le livre. C'est ce qui l'a ramené dans votre chambre. Est-il possible d'être aveugle à ce point ? »
Alaïs recula d'un pas pour s'éloigner de Guilhem.
« Dit-elle la vérité ? »
Guilhem se retourna pour adresser à Alaïs un regard désespéré.
« Elle ment, je le jure sur ma vie. Ce livre m'importe peu et je ne lui ai rien révélé. Comment l'aurais-je pu ?
— Il a fouillé votre chambre durant votre sommeil ; il ne peut le nier.
— Cela est faux ! vitupéra le jeune homme.
— Cependant, vous connaissiez l'existence d'un tel livre… »
La lueur affolée qu'elle lut dans ses yeux lui confirma la réponse qu'elle craignait d'entendre.
« Elle a voulu se livrer à un chantage, mais j'ai refusé, répliqua-t-il d'une voix brisée. J'ai refusé, Alaïs…
— Quelle emprise a-t-elle donc pour exiger pareille chose de vous ? » murmura Alaïs.
Il tendait la main pour la toucher ; elle se déroba.
Comme j'aimerais encore l'entendre nier.
« Une fois, oui…, avoua-t-il en laissant retomber sa main. Pardonnez-moi.
— Il est un peu tard pour avoir des remords, intervint Oriane.
— Êtes-vous épris d'elle ? » voulut savoir Alaïs, ignorant la remarque de sa sœur.
Guilhem secoua désespérément la tête.
« Ne voyez-vous point qu'elle cherche à vous dresser contre moi, Alaïs ? »
La jeune femme était effondrée à l'idée qu'elle ne pourrait jamais plus accorder sa confiance à son mari. Il tendit derechef la main.
« Je vous en prie, Alaïs. Je ne suis épris que de vous.
— En voilà assez, s'interposa Oriane. Où est le manuscrit ?
— Il n'est point en ma possession.
— De qui, alors ? insista-elle d'une voix menaçante.
— Pourquoi vous le faut-il ? répliqua Alaïs, peu encline à céder. Pourquoi a-t-il autant d'importance à vos yeux ?
— Répondez, et nous en resterons là, fit Oriane d'un ton cinglant.
— Et si je refuse ?
— Un mal peut fort bien s'emparer de vous. Vous avez veillé notre père. Peut-être que celui qui l'a tué est déjà en vous… » Oriane
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