Labyrinthe

direction du téléfax reçu quelques minutes plus tôt. Nous avons deux identifications : la première, peu avant le meurtre, lundi soir, à Foix, la seconde immédiatement après. La voiture a été retrouvée hier, à la frontière hispano-andorrane. » Noubel s'accorda une pause pour éponger la sueur de son visage. « Ils travaillent pour Paul Authié, monsieur. »
    Le divisionnaire pencha son énorme carcasse sur le bord du bureau.
    « Allez-y, je vous écoute.
    — Avez-vous entendu parler des accusations à propos d'Authié ? Qu'il serait membre de la Noublesso Véritable  ? » Comme son supérieur acquiesçait, il poursuivit : « En suivant la piste O'Donnell, je me suis entretenu avec nos collègues de Chartres cet après-midi. Ils m'ont confirmé qu'ils enquêtent sur un lien possible entre cette organisation et le meurtre qui a eu lieu plus tôt, dans la semaine.
    — Quel rapport avec Authié ?
    — La rapidité avec laquelle on a découvert le corps serait due à une dénonciation anonyme.
    — Avez-vous la preuve qu'il s'agit d'Authié ?
    — Non, admit Noubel, seulement celle qu'il a rencontré une journaliste, elle aussi disparue. À Chartres, la Criminelle pense qu'il existerait un lien. »
    Voyant l'expression sceptique de son patron, Noubel s'empressa d'ajouter :
    « Les excavations au pic de Soularac étaient financées en sous-main par Mme de l'Oradore. C'était adroitement camouflé, mais il s'agit bien de son argent. Brayling, qui dirigeait le site, soutient qu'O'Donnell aurait disparu après avoir dérobé des œuvres d'art au cours des fouilles. Les amis d'O'Donnell ne partagent toutefois pas cet avis. Je suis convaincu qu'Authié la retient prisonnière, soit sur les ordres de l'Oradore, soit pour son propre compte. »
    Le ventilateur du bureau en panne, Noubel transpirait abondamment. Il sentait les auréoles de sueur s'élargir sous ses aisselles.
    « C'est très mince, Noubel.
    — Mme de l'Oradore se trouvait à Carcassonne entre mardi et jeudi, monsieur. Elle a rencontré Authié deux fois. Je pense même qu'elle s'est rendue avec lui au pic de Soularac.
    — Cela ne constitue pas un crime, Noubel.
    — À mon retour ce matin, j'ai découvert ce message qui m'était adressé, monsieur. C'est là que j'ai décidé de demander à vous parler. »
    Noubel appuya sur le bouton de son répondeur, et la voix de Jeanne Giraud emplit aussitôt la pièce. Le commissaire écouta, son visage se durcissant à chaque seconde.
    « Qui est-ce ? s'enquit-il après que Noubel lui eut fait écouter le message une seconde fois.
    — La grand-mère d'Yves Biau.
    — Et Audric Baillard ?
    — Un écrivain et ami. Il l'accompagnait quand elle s'est rendue à l'hôpital de Foix. »
    Les mains sur les hanches, le divisionnaire baissa la tête comme pour une profonde réflexion. Noubel comprit qu'il pesait les risques encourus à appréhender Authié et se voir ensuite débouté par un juge d'instruction.
    « Vous êtes certain d'avoir assez de preuves pour établir un lien entre le duo Domingo-Braissart et, à la fois, Biau et Authié ?
    — Les descriptions concordent, monsieur.
    — Elles concorderaient avec la moitié des habitants de l'Ariège, grommela le divisionnaire.
    — Voilà trois jours qu'O'Donnell a disparu, monsieur. »
    Le commissaire se leva en poussant un profond soupir.
    « Que voudriez-vous faire, Noubel ?
    — Appréhender Braissard et Domingo. J'aurais également besoin d'une commission rogatoire. Authié possède de nombreuses propriétés, y compris une ferme en ruine dans les monts Sabarthès, qu'il a mise au nom de son ex-femme. Si O'Donnell est retenue dans le secteur, il y a des chances qu'elle s'y trouve. »
    S'apprêtant à partir, le commissaire lui serrait déjà la main.
    « Si vous pouviez en référer personnellement au préfet…
    — Entendu, entendu, concéda le divisionnaire en pointant sur son subalterne un doigt jauni de nicotine. Mais laissez-moi vous dire ceci, Noubel : si vous ratez votre coup, vous serez le seul à en assumer les conséquences. Authié est un homme influent, de même que Mme de l'Oradore. Ils vous mettront en pièces, et je ne pourrai rien faire pour les en empêcher. »
    Au moment de quitter le bureau, il se retourna.
    « Rappelez-moi qui est ce Baillard. Est-ce que je le connais ? Son nom me dit quelque chose.
    — Il écrit sur les cathares. C'est aussi un expert en égyptologie.
    — Ce n'est pas… »
    Noubel