Labyrinthe

les légendes.
    — Comme l'histoire des cathares réputés posséder la coupe du Christ, lança Alice, comprenant tout à coup.
    — Les disciples de Jésus de Nazareth ne s'attendaient pas à ce qu'il mourût sur la croix, ce fut cependant le cas. Son trépas et sa résurrection donnèrent naissance au mythe du sacré calice, un Graal propre à donner la vie éternelle. Comment ce mythe fut reçu en ce temps-là, mystère ; ce dont je suis toutefois certain, c'est que la crucifixion du Nazaréen suscita une vague de persécutions. Nombreux furent ceux qui fuirent la Terre sainte, parmi lesquels Joseph d'Arimathie et Marie de Magdala qui se réfugièrent en France, emportant avec eux, paraît-il, la connaissance de l'ancien secret.
    — Les papyrus du Graal ?
    — Ou des joyaux provenant du temple de Salomon, la coupe de la cène, dans laquelle l'on avait recueilli son sang lors de sa crucifixion. Ou des écrits prouvant que le Christ n'était pas mort sur la croix, mais qu'il avait vécu une centaine d'années, caché dans les montagnes du désert, entouré de quelques élus. »
    Alice fixait Baillard d'un air abasourdi. Ce dernier gardait un visage fermé comme un livre, ne laissant rien transparaître de ses pensées.
    « Le Christ ne serait donc pas mort sur la croix, répéta-t-elle, incapable de croire à ses propres paroles.
    — Il existe d'autres histoires rapportant que ce serait à Narbonne, et non à Marseille que Marie de Magdala et Joseph d'Arimathie auraient élu domicile. Cela fait des siècles que la croyance populaire soutient qu'un objet de grande valeur est caché quelque part dans les Pyrénées.
    — Ainsi, les cathares ne détenaient pas le secret du Graal, c'était Alaïs », dit-elle. Les pièces du puzzle se mettaient en place dans son esprit. « Ils lui dédièrent un sanctuaire. »
    Un secret qui en cachait un autre. Alice se rassit sur sa chaise en se remémorant la chronologie des événements.
    « À présent, la grotte du labyrinthe a été rouverte.
    — Pour la première fois depuis huit cents ans, les livres peuvent être de nouveau réunis, poursuivit-il. Et si, vous, Alice, ne savez pas encore s'il faut me croire ou considérer mes paroles comme des élucubrations de vieillard, d'autres ne nourrissent aucun doute à ce sujet. »
    Alaïs croyait en la vérité du Graal.
    Au tréfonds de son être, au-delà des limites de sa conscience, Alice savait que Baillard disait vrai. C'était son côté rationnel qui avait du mal à l'accepter.
    « Marie-Cécile de l'Oradore, lâcha-t-elle pesamment.
    — Ce soir, Mme de l'Oradore se rendra à la grotte et tentera d'invoquer le Graal. »
    Une onde d'appréhension parcourut Alice.
    « C'est impossible, objecta-t-elle. Elle ne possède ni l'anneau ni le Livre des mots .
    — Je crains qu'elle n'ait compris que le Livre des mots se trouve encore dans la grotte.
    — Y est-il ?
    — Je n'en suis pas sûr.
    — Et l'anneau ? elle ne l'a pas non plus, insista-t-elle en baissant les yeux sur les longues mains étalées sur la table.
    — Elle sait aussi que j'y serai.
    — Ce serait de la démence ! s'exclama Alice. Comment pouvez-vous envisager de vous approcher d'elle ?
    — Ce soir, elle tentera d'invoquer le Graal, reprit Baillard à voix basse. Et de ce fait, ils savent que je serai là. Il m'est impossible de permettre une telle chose. »
    Alice tapa des deux mains sur la table.
    « Et Will, alors ? Et Shelagh ? vous vous en fichez ? Cela ne les avancera à rien si vous êtes pris à votre tour.
    — C'est précisément parce que leur sort – le vôtre, Alice, m'importe que je me rendrai à la grotte. Je pense que l'Oradore les forcera à participer à la cérémonie. Cinq participants sont requis, le navigatairé et quatre autres.
    — Mme l'Oradore, son fils, Will, Shelagh et Authié ?
    — Non, pas Authié, quelqu'un d'autre.
    — Qui, alors ? »
    Baillard éluda la question.
    « J'ignore où se trouvent Shelagh et Will en ce moment, dit-il comme s'il se parlait. Mais je crois qu'on les emmènera à la grotte à la tombée de la nuit.
    — Qui, Audric ? » répéta Alice avec fermeté.
    Baillard refusa une fois de plus de répondre. Il se leva pour aller fermer la fenêtre.
    « Nous devrions partir. »
    Offusquée, anxieuse, déconcertée et par-dessus tout effrayée, Alice avait l'impression de n'avoir pas le choix.
    Elle songeait au nom d'Alaïs sur l'arbre généalogique, séparé du sien par huit cents