Labyrinthe
questions. Inutile deraconter ta vie. « Je ne suis qu'une touriste. Le docteur O'Donnell connaît très bien la région. Quand il est apparu que je devais me rendre à Carcassonne pour y régler une affaire, elle m'a proposé de faire le détour pour passer quelques jours en sa compagnie. Des vacances de travail en quelque sorte. »
Noubel en prit bonne note sur son calepin.
« Vous n'êtes donc pas archéologue… »
Alice secoua la tête.
« Apparemment, il est courant de faire appel à des bénévoles, des amateurs ou des étudiants pour effectuer certains travaux de base.
— Combien y avait-il de bénévoles, à part vous ? »
Le visage de la jeune femme s'empourpra comme si elle avait été prise en flagrant délit de mensonge.
« En réalité, j'étais la seule. Tous les autres sont archéologues ou étudiants en archéologie. »
Noubel la fixa avec insistance.
« Vous êtes ici jusqu'à quand ?
— C'est mon dernier jour. Enfin, ça l'était avant… tout ceci.
— Et à Carcassonne ?
— Je dois assister à une réunion vendredi matin. J'y resterai jusqu'à dimanche pour visiter la région. Ensuite, je regagnerai l'Angleterre.
— Carcassonne est une belle ville, commenta Noubel.
— Je n'y suis jamais allée. »
Le policier soupira et épongea de son mouchoir son front congestionné.
« Cette réunion, en quoi consiste-t-elle ?
— Je ne sais pas exactement. Il s'agirait d'un parent qui aurait vécu en France et qui m'aurait laissé un bien en héritage, expliqua évasivement Alice, peu désireuse de donner des détails. J'en saurai plus après avoir rencontré le notaire. »
Nobel prit encore des notes sur son carnet. Alice aurait aimé en connaître la teneur, sauf qu'elle n'arrivait pas à lire à l'envers. Elle fut soulagée d'entendre l'inspecteur changer de sujet.
« Ainsi vous êtes docteur…
— Tout à fait, acquiesça-t-elle. Pas en médecine, cependant. Je suis enseignante, diplômée en littérature médiévale anglaise. » Puis, comme Noubel ne semblait pas comprendre : « Pas médecin. Je suis universitaire. »
L'homme poussa un soupir et griffonna quelques mots sur son calepin.
« Bien. Revenons à nos affaires, poursuivit-il sur un ton plus conventionnel. Vous travailliez donc seule, là-haut. Est-ce une pratique habituelle ? »
La question mit aussitôt Alice sur ses gardes :
« Non, répliqua-t-elle posément. Comme c'était mon dernier jour, j'ai eu envie de continuer, malgré l'absence de coéquipier. J'étais certaine qu'on trouverait quelque chose.
— Derrière le rocher qui obstruait le tunnel ? Pour ma gouverne, comment décide-t-on qui creuse où ?
— Les docteurs Brayling et O'Donnell prévoient ce qui doit être accompli durant un temps imparti. Ils divisent le site de fouilles d'un commun accord.
— Ainsi, c'est le docteur Brayling qui vous a envoyée là-haut ? Ou alors le docteur O'Donnell ? »
Mon instinct. Je savais que j'y trouverais quelque chose, songea-t-elle.
« Eh bien, non. Je suis montée un peu plus haut parce que j'étais convaincue d'y faire une découverte. » Elle hésita. « Comme je ne voyais pas le docteur O'Donnell pour avoir l'autorisation, j'ai… décidé d'y aller de mon propre chef. »
Noubel fronça les sourcils.
« Je vois. Ainsi, vous travailliez, le rocher s'est écroulé, et puis ? »
Alice avait de sérieux trous de mémoire, mais elle fit de son mieux. Noubel possédait un anglais convenable, quoique formaliste, et ses questions étaient franches et directes.
« C'est en entendant du bruit dans le tunnel que je… »
Les mots lui restèrent au fond de la gorge. Une pensée effacée de sa mémoire refit surface avec un choc, une sensation qui lui vrillait la poitrine comme si…
Comme si, quoi ?
Alice trouva la réponse en elle-même : Comme si on m'avait poignardée. C'est exactement ce qu'elle avait ressenti. Une lame qui lui transperçait le corps, nette et précise. Sans autre douleur qu'un souffle glacial et une indicible horreur.
Et ensuite ?
La lumière aveuglante, froide, immatérielle. Avec, en filigrane, un visage. Celui d'une femme.
La voix de Noubel creva la surface de ses souvenirs, les faisant voler en éclats.
« Docteur Tanner ? »
Aurais-je eu une hallucination ?
« Docteur Tanner, dois-je appeler quelqu'un ? »
L'espace d'un instant, Alice le fixa d'un regard vide.
« Non, non merci. Je vais bien. C'est simplement la chaleur.
—
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