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Lacrimae

Titel: Lacrimae Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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est dévouée corps et âme à dame Ivine… À moins d’imaginer une mascarade de tendresse qu’elle nous servirait depuis des années – et j’ignore alors pour quels motifs –, jamais elle ne lui porterait préjudice en rien.
    — Le seigneur Philippe ? Pour… complaire à dame Ivine ?
    — Je ne sais, déclara Marie d’une voix qui indiquait sans ambiguïté qu’il restait la seule future victime qu’elle jugeât convaincante.
    — En ce cas, pourquoi ?
    — Récupérer un douaire, la confortable liberté de veuve 2 .
    — Philippe a deux fils. Elle est sans hoir et n’obtiendrait presque rien, à moins d’imaginer un acte de notaire rédigé en sa faveur par son époux.
    Marie Desprès lâcha un bref soupir et Druon sut que la révélation qu’elle s’apprêtait à lui faire lui pesait.
    — J’ai mené avec prudence ma petite enquête. Un tel acte existe, preuve de l’amour de Philippe pour sa dame. Cyr en était le témoin signataire. À ce que j’ai cru comprendre, Ivine n’héritera pas d’une fortune, sauf à produire un enfançon. Assez toutefois pour vivre en petite aisance.

    Cette sortie plongea Druon dans un gouffre de déception. Déception envers lui-même. S’était-il laissé berner tel un simplet par Ivine et ses allures de tendre Vierge ? Leurré au point qu’il l’avait plainte et s’était senti une communauté d’âme avec elle. Non, tout ceci frisait l’incohérence. Ivine était femme d’intelligence. Si elle avait eu en tête le meurtre de son mari, aidée par sa fidèle dame d’entourage, elle aurait attendu d’être grosse. Certes, mais la grossesse tardait depuis des années. En avait-elle eu assez de ce soudard grossier ? Au point de se résoudre à vivre ensuite selon un train d’économie ?
    Peste ! Il manquait à Druon tant d’éléments pour comprendre. Un doute lui vint :
    — Ma bonne, nul affront mais… êtes-vous bien certaine qu’il s’agissait de digitale ?
    — Oh, je ne m’en offense pas puisque j’ai moi-même craint la méprise. (Elle s’écarta de quelques pas et récupéra un psautier posé sur une escame 3 dont elle tira une feuille qu’elle tendit à Druon :) Voici ce qu’Aude cueillait. De plus, en cette saison, la plupart des plantes ne sont plus que rhizomes ou racines.
    Le mire examina la feuille ovale, qui mollissait sous l’effet d’un début de dessèchement, aux robustes nervures, et mâcha son extrémité pointue. Du dé-de-bergère, sans contestation possible.
    — Qu’allez-vous faire ? De grâce messire, tentez une parade, plaida la ventrière.
    — Je ne puis me détourner d’une possibilité d’enherbement, admit Druon. Toutefois, sur l’instant, j’ignore comment procéder. Il me faut réfléchir. Je vous souhaite la bonne nuit, madame, bien que craignant que la vôtre soit aussi blanche que la mienne.
    1 - Tissu de laine de qualité moyenne.
    2 - Le statut de veuve avec enfants était appréciable pour les dames de l’époque. Libérées de la tutelle du père et du mari, profitant en général d’un douaire, nombre refusaient de se remarier.
    3 - Sorte de tabouret assez bas, le plus souvent de forme triangulaire.

XLIV
    Château de Saint-Denis-d’Authou, novembre 1306
    H uguelin s’était rongé les sangs, pleurant, reniflant, s’admonestant. Non, non, rien de néfaste ne pouvait arriver à son maître, sa maîtresse, peu importait. Après tout, Druon était le plus bel esprit de tous les temps, passé, présent et à venir. Il pouvait dénouer toutes les situations. Bretteur achevé, il savait se défendre. De surcroît, si Brise, la magnifique jument, chargeait, un malandrin avait intérêt à filer sans attendre son reste. Non ! Du calme, rien ne pouvait lui arriver. Et si… Et si… Ah ! Mon Dieu… Certes, Huguelin s’en voulait de son égoïsme, mais bon, il était encore bien petit. Car, s’il arrivait quelque chose d’affreux à son cher maître, outre l’immense chagrin inconsolable qui lui échoirait, que deviendrait-il ? Oh, l’ignoble cancrelat qu’il faisait ! Il se détestait de penser tant à lui !

    Il pria la Sainte Vierge, tendre et parfaite, pleine de compassion pour les pauvres créatures. Qu’Elle garde Druon bien vif. Certes, il s’emmêla dans les prières mais n’eut nul doute qu’Elle sentirait sa sincérité et sa peur. D’ailleurs, étant sainte, Elle ne devait pas entendre 1 que le latin.
    Il l’aimait. Il aimait Druon, un sentiment

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