L'affaire du pourpoint
pouvaient m’être utiles. Un coffre vermoulu tomba en pièces dès que je le touchai, mais j’en trouvai un solide sur lequel je posai le tabouret, en espérant que le bois fendu supporterait mon poids.
Alors que je gravissais cet escalier de fortune, le chien d’à côté, son poulet terminé, se jeta contre la clôture en aboyant. En hâte, je cherchai le reste à tâtons et le lui lançai. Il se précipita sur ce festin avec des petits jappements étouffés. Je m’assis en amazone sur le haut de la barrière, qui oscilla de manière menaçante, fis passer mes deux pieds par-dessus et me laissai tomber maladroitement, car je tenais toujours la lanterne et ne pouvais m’aider que d’une seule main.
Je m’accroupis dans les herbes hautes, de peur qu’on ne m’ait entendue. Aucune lueur soudaine n’apparut, nul n’ouvrit sa fenêtre afin de sonder la nuit.
À présent, la lune et mon lumignon me semblaient trop brillants. Lorsque je me levai, ils projetèrent mon ombre sur les herbes folles et la lanterne dansa dans ma main tremblante. Rassemblant mes jupes, au mépris des chardons qui m’égratignaient les jambes, je courus m’abriter dans l’ombre épaisse de la maison.
Je restai appuyée contre le mur, frissonnante, jusqu’au moment où j’eus la certitude que ma présence était passée inaperçue. Le chien des voisins geignit un peu, mais il devait estimer que j’étais une amie car il n’aboya plus. Je cherchai du regard la fenêtre du bureau.
Je rencontrai une nouvelle difficulté. La demeure de Mew était vaste. Le mur arrière comportait trois fenêtres, outre la porte de la cuisine, verrouillée de l’intérieur comme je m’y attendais. Laquelle était la bonne ?
Je fermai les yeux, tâchant de me remémorer l’intérieur de la boutique. Où donc se trouvait la porte du bureau ? Derrière le comptoir, certes, mais une seconde porte, plus loin à gauche, donnait sur une autre pièce. Telle que j’étais placée, face à l’arrière de la maison, cette dernière devait se situer à ma droite. La fenêtre du bureau ne serait pas la première à droite, par conséquent, mais peut-être la suivante.
Pliée en deux, je rasai le mur. Un éclat rougeoyant à la fenêtre la plus éloignée m’alarma un instant, mais un coup d’œil prudent m’apprit qu’il provenait des braises d’un feu mourant. Je distinguai une banquette surmontée de coussins et une table de trictrac. Mew habitait donc aussi une partie du rez-de-chaussée. Je reculai vers la fenêtre qui m’intéressait, toute noire celle-ci, et je me risquai à l’éclairer.
Oui.
C’était bien le bureau. Restait à voir si je pouvais y pénétrer. Je posai ma lanterne, sortis ma dague dont j’insérai la pointe entre le montant et l’encadrement. Le manche d’argent, à cannelures en spirale, m’offrait une excellente prise et la lame d’acier, aussi effilée qu’un rasoir, était assez mince pour glisser par l’interstice puis remonter sous le loquet. Je pressai avec force. Dans un léger raclement, celui-ci se souleva. Encore… Encore…
La fenêtre céda. J’attirai le battant vers moi à l’aide de mes ongles, puis j’escaladai le rebord non sans m’empêtrer dans mes jupes. Si je devais m’astreindre souvent à ce genre d’exercices, pensai-je, à bout de nerfs, j’adopterais les hauts-des-chausses.
Je refermai derrière moi sans replacer le loquet, afin de me ménager une sortie rapide. Tout était silencieux. Je dirigeai ma lumière vers la tenture : la porte était bien là, presque dissimulée par l’étoffe. La soulevant, je découvris un verrou placé de mon côté. Il glissa sans bruit, comme s’il venait d’être huilé.
J’avais bien lu l’acte de propriété : une cave s’étendait au sous-sol. Je me tenais au sommet d’un escalier escarpé qui s’enfonçait entre des murs de pierre suintant d’humidité. La lumière de ma lanterne fit luire d’un éclat sombre des gonds de fer, au pied des marches.
Dire que je répugnais à descendre serait un faible mot. La simple idée de plonger dans les profondeurs de la terre, seule, en pleine nuit, me glaçait d’effroi. Ce n’était pas seulement la peur d’être surprise – à cet instant, j’eusse presque accueilli avec plaisir l’arrivée d’un Barnabas Mew, outré, mais humain. Je ressentais à son niveau le plus profond la peur du noir. Cette terreur ancestrale des démons et des spectres, de créatures rampantes
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