L'affaire du pourpoint
surgies des tombeaux pour nous happer entre leurs griffes, par-delà le cercle de lumière.
« Si seulement l’aube approchait ! » pensai-je avec crainte. Le plus léger poudroiement de lumière dans le ciel d’orient, la moindre trace grisâtre à travers les carreaux chasseraient les démons. Alors, j’oserais m’aventurer sur ces marches. Il suffisait d’attendre…
La maison d’un artisan s’éveillait de bonne heure. Les allées et venues commenceraient avant le lever du jour.
Je devais être forte, pour Brockley.
Je m’assurai que le loquet de la fenêtre paraissait bien en place pour quiconque y jetait un coup d’œil de l’autre bout de la pièce. Je ne pus me résoudre à fermer la porte derrière moi, mais la laissai entrebâillée, masquée par la tenture. J’affermis ma prise sur la lanterne dans ma main gauche, sur la dague dans la droite. Si quelque chose m’agrippait dans l’obscurité, je frapperais d’abord et interrogerais ensuite.
Plus bas, encore plus bas dans cet air humide et froid. La seconde porte était fermée par un verrou qui tourna, là encore, avec facilité. J’ouvris lentement et jetai un coup d’œil méfiant à l’intérieur, en élevant la lanterne devant moi.
Je ne vis rien de plus effrayant qu’une table surmontée de deux candélabres. Je m’avançai en silence et posai ma dague sur la table. J’allumai une chandelle grâce à ma lanterne, puis toutes les autres à la flamme de la première. La lumière inonda la pièce.
La cave était spacieuse, peut-être douze pieds carrés, et tapissée de brique. Une voûte de pierre s’élevait au-dessus. Il faisait plus frais, ici, et levant les yeux, je vis un grillage dans le plafond. À cet instant, un nuage souligné d’argent par le clair de lune glissa pour révéler une seule étoile.
La grille donnait dans le jardin. La vue de cette étoile, évidence sereine du ciel infini qui s’étendait au-delà, me fut d’un immense réconfort. Reprenant courage, je regardai autour de moi. J’étais dans une sorte d’atelier, équipé d’un petit fourneau encastré dans un des murs et d’un établi le long d’un autre. Divers instruments étaient disposés avec un ordre qui ne fut pas sans m’évoquer Leonard Mason. Des coffres cerclés de métal et deux caisses étaient repoussés près du mur opposé. Une réserve, de bûches, peut-être, occupait un coin.
Laissant ma lanterne près de ma dague afin d’avoir les mains libres, j’examinai le fourneau. On avait nettoyé les cendres, mais il était encore tiède, signe d’utilisation récente. En me redressant, je remarquai que ce que j’avais pris pour des bûches était en fait des lingots de cuivre, assez petits – environ de la taille d’une brique – mais nombreux. Puis la lumière fit jouer derrière eux un reflet plus brillant, et je vis au fond plusieurs barres d’argent et une demi-douzaine d’autres en or.
C’étaient là des preuves on ne peut plus concrètes. Un simple horloger avait besoin d’un petit fourneau, mais pas d’une telle quantité de métaux. D’ailleurs, Mew prétendait qu’il ne conservait guère de matériaux bruts sur place. J’allai inspecter le contenu des caisses, sur lesquelles était peint le mot « étain ». Soit Mew fournissait des horloges à la nation entière, soit…
Je sentis mon pouls s’accélérer et j’en oubliai presque ma peur. Je m’attaquai aux coffres, qui étaient fermés à clef ; j’avais acquis une certaine dextérité avec mes crochets. En moins d’une minute, j’en avais ouvert un et en repoussais le couvercle.
À l’intérieur apparurent des sacs de cuir fermés par des liens coulissants. J’en pris un et dénouai le cordon. Il était rempli de pièces, brillantes et neuves. J’en examinai quelques-unes dans ma paume, pensivement, puis je les comparai avec l’une des miennes. Ensuite, je remis tout en place et me tournai vers l’établi.
Parmi les outils, je découvris plusieurs maillets et une série de petits cylindres en acier dont l’extrémité circulaire était gravée. Parmi les motifs, exécutés avec un soin méticuleux, je reconnus le profil de la reine Élisabeth. Je savais désormais qui avait imité l’écriture de Matthew.
J’avais trouvé ce à quoi je m’attendais, même si je ne discernais toujours pas de relation avec Marie Stuart. Y avait-il deux bandes de malfaiteurs autour de Lockhill, les uns fabriquant de la fausse monnaie, les
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