L'affaire du pourpoint
encerclait sa taille et était fixée par un second cadenas.
— Il faut sortir d’ici, madame. Libérez-moi. Je parlerai pendant que vous travaillez. J’ai une chose terrible à vous apprendre.
— Brockley, qu’y a-t-il ? Qu’est-il arrivé ?
Je m’armai de mes crochets et m’attaquai au cadenas.
— Je vais reprendre dans l’ordre. Écoutez tout avec calme, me recommanda Brockley avant de respirer un bon coup. Quand ils parlaient de me tuer, je n’avais qu’à demi perdu conscience. Ils me croyaient encore assommé et discutaient tranquillement, avec moi au milieu. Mew a demandé : « Qui l’envoie ici ? » et Wylie a répondu : « Sans doute cette dame Blanchard. C’est son domestique. » Alors, il a ajouté : « Je vous avais bien dit que j’aurais dû m’occuper d’elle au lieu de laisser le message à Lockhill », et Mew a répliqué : « Et moi, je vous ai dit que je ne veux plus être mêlé de près ou de loin à un meurtre. »
— Nous supposions bien qu’ils avaient assassiné Dawson et Fenn.
Je demeurai calme, mais le seul mot de « meurtre » glace le sang, croyez-moi, surtout quand on est la victime désignée. On se sent traqué. On entend déjà les aboiements de la meute. Mes mains tremblaient et le cadenas résistait à mes efforts.
— Oui, Dawson et Fenn, acquiesça Brockley. Cela a été dit par la suite de façon claire. Mais laissez-moi finir. J’étais tout à fait lucide, à ce moment-là. J’aurais voulu garder les yeux fermés et me tenir coi pour en entendre plus, mais j’ai senti que j’allais être malade. Je me suis redressé avec force gémissements pour leur faire croire que je venais de me réveiller. Mew a juré, mais il m’a tout de même apporté une bassine. Wylie continuait à répéter qu’ils devaient en finir avec moi, et Mew persistait à s’y opposer. Selon lui, il aurait dû rencontrer quelqu’un à Lockhill, et, puisqu’il n’avait pu s’y rendre, c’est l’autre qui viendrait chez lui et déciderait de ce qu’il convenait de faire. D’ici là, mieux valait me laisser vivre. J’ai cru comprendre que son rendez-vous était avec un certain Dr Wilkins…
Mes mains se crispèrent sur les crochets.
— Et alors, Wilkins est-il venu ? Était-il seul ?
Brockley s’abstenait de jurer en ma présence, sauf dans les moments de tension. Celui-ci en était un.
— Tudieu, madame, allez-vous ouvrir cette serrure ? Nous devons ficher le camp d’ici !
— J’essaie. J’essaie ! Pour l’amour de Dieu, dites-moi si Wilkins est venu seul !
— Non, madame. Je suis navré. J’en arrive à la chose que vous allez trouver terrible. Il était accompagné. Il…
— C’est bon. Je sais déjà. Son compagnon était mon époux, Matthew de la Roche. Sont-ils encore ici ?
La serrure s’ouvrit enfin dans un déclic et, avec un soupir de soulagement, Brockley secoua ses chaînes et posa les pieds par terre.
— Pas très confortable. Juste assez de jeu pour atteindre la cruche et le pot de chambre. Oui, les visiteurs sont encore là. Ils sont arrivés la nuit dernière, ne voulant pas être vus au grand jour, semble-t-il.
Je restai coite. Qu’y avait-il à dire ? Matthew était là, tout près, mais du côté de l’ennemi.
— Mew et Wylie les ont fait descendre, expliqua Brockley. Vous savez, j’aurais apprécié votre mari si nous nous étions connus dans d’autres circonstances. Il m’a sauvé la vie. Wilkins voulait qu’on se débarrasse de moi « comme d’un chien enragé », selon sa propre expression. Messire de la Roche l’a interdit. Il a déclaré que j’étais votre serviteur, que vous alliez en France avec lui et que j’irais aussi. Pour vous, il ne voulait pas qu’on me fasse de mal. Alors Wylie a rétorqué que vous étiez sûrement morte. Votre mari l’a empoigné et l’a cogné contre le mur en exigeant de savoir ce qu’il voulait dire. À ce moment, j’ai crié qu’on avait été pris en embuscade par un archer, hier, et qu’il avait failli nous tuer…
Accablée, je me laissai tomber au bout du lit. Brockley me considéra avec compassion, puis continua son récit.
— Mew a tout lâché, ensuite : que vous aviez regardé ses comptes et posé des questions bizarres. Il s’était senti pris de court. Comment aurait-il su que messire de la Roche et vous étiez mariés ? Quelques jours plus tôt, il connaissait à peine l’existence du gentilhomme. Il avait seulement
Weitere Kostenlose Bücher