L'affaire du pourpoint
lumière.
— C’était donc ça ! m’exclamai-je.
— Vous… avez… volé… mon idée ? bredouilla Mason.
— C’était une merveille ! répliqua Mew d’une voix soudain claire et passionnée. Vous n’auriez pas réussi à la fabriquer. Vous n’êtes pas doué pour la mise en œuvre. Vous saviez la dessiner, mais pas la créer. Moi, je le pouvais ! Et je l’ai faite ! Toute d’or et de pierres de lune. Je l’ai emmenée à la cour un jour où je rendais mon rapport à Sir William Cecil, et je l’ai offerte à Sa Majesté !
— Vous avez… quoi ? hurla Leonard Mason.
— Il dit vrai, confirmai-je. J’étais présente à cette occasion.
— Crichton vous a demandé si vous aviez chargé quelqu’un de fabriquer votre boîte à musique, et vous avez répondu que non, continua Mew. À ma visite suivante, il m’a menacé de tout vous révéler à moins que je ne fasse ce qu’ils voulaient. Ils avaient besoin de moi pour forger les pièces. Il leur fallait un artisan. Crichton a dit que je deviendrais la risée de tous, que je risquais même d’être emprisonné pour vol…
— Vous êtes tous devenus fous ! rétorqua Crichton, essayant de nous prendre de haut. Je ne vois pas de quoi vous parlez. Je ne suis mêlé à aucun complot !
— Pardonnez-moi si je parais avoir l’esprit un peu lent, déclara Leonard Mason. J’essaie d’assimiler ce que je viens d’entendre. Dois-je comprendre qu’à des moments divers, quatre traîtres ont dormi sous mon toit et dîné à ma table ? Mew, Wilkins, Lenoir – ou quel que soit son nom – et le précepteur de mes enfants. Dieu du ciel, le précepteur de mes enfants !
— Il semblerait, répondit Henderson d’un ton sec.
— Ce ne sont que des billevesées ! gémit Crichton, voyant que sa feinte dignité n’abusait personne. Vous n’allez pas… Vous n’allez pas croire cet individu pitoyable ! Ne voyez-vous pas qu’il essaie de rejeter la faute sur d’autres, pour sauver sa peau ?
Le Dr Forrest, qui avait tout écouté dans un silence ébahi, prit enfin la parole.
— Démêler le vrai du faux incombe à un jury. Nous n’y parviendrons pas dans cette cour. Ne pourrions-nous entrer, comme Mr. Henderson l’a suggéré ? Vous ne repartirez pas pour Londres aujourd’hui. La plupart d’entre vous ont veillé toute la nuit, et les chevaux sont fourbus. Mrs. Blanchard a visiblement les mains blessées. Il est clair que Mr. Mason aura des précisions à donner au sujet des gens qui ont fréquenté sa maison, mais il ne paraît pas nécessaire pour autant de l’arrêter…
J’entendis ces mots avec soulagement. Une nouvelle évidence s’imposa à moi, telle de l’eau fraîche sur un front fébrile.
— Mr. Mew, dis-je en me tournant vers lui, auriez-vous fait croire à Mr. Mason que j’étais une… femme à la réputation douteuse ?
— Oui. D’après Fenn, tout n’était pas clair dans votre venue à Lockhill. C’est pourquoi je vous ai précédée et j’ai tâché de convaincre Mr. Mason de refuser. Mais son épouse ne voulait rien entendre ! s’affligea Mew. Fenn et le Dr Wilkins étant à Londres, j’ai dû renvoyer Wylie là-bas pour le leur annoncer et…
— Je semble avoir suscité une agitation flatteuse, coupai-je avant que l’épisode de l’enlèvement cessât d’être un secret.
Toutefois, j’eus l’image réjouissante de Mew et de Wylie accourant à Lockhill, puis de Wylie courant consulter Wilkins à Londres, et des deux hommes se creusant la cervelle pour trouver un moyen de m’envoyer en France. Ils s’étaient donné grand mal en pure perte.
— Peu importe, intervint Forrest, nous empêchant de dévier du sujet. Mr. Henderson, ne pensez-vous pas qu’il convient d’arrêter le Dr Crichton sur-le-champ ? Il y a sans doute, dans cette maison, un endroit où l’on pourrait l’enfermer jusqu’à demain matin. Êtes-vous investi de l’autorité nécessaire ?
— Tout sujet du royaume a autorité pour arrêter un mécréant, répondit Rob, mais, dans le cas présent, je suis porteur d’un mandat écrit de Sir William Cecil.
Il adressa un signe du menton aux quatre hommes descendus de leur monture, qui s’avancèrent alors.
— Dr Crichton, au nom de notre souveraine, Sa Majesté la reine Élisabeth, vous êtes en état d’arrestation. Vous serez conduit à Londres et…
Depuis un moment, Crichton cherchait des yeux un moyen de s’échapper. Avant que
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