L'affaire du pourpoint
les enfants n’auraient pas le cœur brisé. Quand Rob eut fini, sa réaction fut la même que celle de Matthew.
— Quel plan ridicule ! Cela ne pourrait se faire qu’à une échelle gigantesque ! Je sais, j’ai souvent dit, ici, à ma propre table, qu’aucun pays ne peut survivre sans une saine économie, mais il y a un gouffre entre une bonne économie et une autre, mauvaise au point que le souverain soit menacé. Je n’ai jamais rien entendu de tel ! Étais-je – suis-je soupçonné d’avoir favorisé un projet aussi insensé ? demanda-t-il avec répulsion.
— Vous devrez nous accompagner à Londres afin d’être interrogé, mais si vous n’êtes pas coupable, vous n’avez pas grand-chose à redouter.
— Pas coupable ? s’indigna Mason. Je l’espère bien ! Je suis un bon catholique et je souhaite que le cœur de la reine revienne à la vraie religion, mais pensez-vous que je me mêlerais d’un complot ? Seigneur ! Ann ne me laisserait jamais faire, de toute façon !
Certains des hommes de Rob éclatèrent de rire. Mason leur jeta un regard noir en déclarant :
— Et si vos propres épouses ont à moitié la droiture de la mienne, vous êtes bien fortunés ! Le manque d’argent est mon souci constant, mais je me mépriserais d’en gagner par un tel procédé ! Je compte en tirer de mes inventions, un jour. De la fausse monnaie, en vérité !
— Dites-moi, Mr. Mason, intervins-je, Barnabas Mew enseignait la musique à vos enfants. La première fois qu’il en fut question, est-ce lui qui aborda le sujet, ou bien l’inverse ?
Mason était si bouleversé qu’il me répondit sans protester :
— Crichton l’avait présenté comme étant son ami. Ils s’étaient rencontrés dans une taverne de Henley. Et c’est Mew qui s’est proposé comme professeur de musique.
— En fait, je crois qu’au tout début, il était censé vous surveiller pour le compte de Sir William Cecil.
Je fouillai ma mémoire pour retrouver les paroles du secrétaire d’État, lorsqu’il m’avait appris que Lockhill était peut-être au centre d’un complot : « Je n’ai jamais été très sûr de la compétence de l’agent que j’ai envoyé chez les Mason. Il a été déchargé de l’affaire. » Cependant, l’agent ne s’en était pas laissé décharger. Il avait poursuivi ses visites et conspiré avec Crichton.
— Vous avez attiré des soupçons l’an dernier, en faisant un don destiné à de jeunes prêtres, expliquai-je à Mason. Mew devait sonder votre loyauté. J’ai raison, n’est-ce pas, Mew ? Pour des raisons que je ne comprends pas – l’appât du gain, peut-être ? –, vous êtes entré dans cette machination qui vise, au moins en partie, à soutenir Marie Stuart.
— Je ne l’ai pas fait pour de l’argent. Je peux en gagner. Je suis un bon artisan.
Mew, toujours sur son cheval, ses mains crispées sur le pommeau, paraissait pathétique mais s’exprimait néanmoins avec un semblant de fierté.
— Mais alors, pourquoi ? s’étonna Mason. Vous n’êtes même pas catholique !
— Ils m’y ont contraint, répondit Mew à l’adresse de Rob. Oh, pas Mr. Mason ! Il n’a rien à voir dans tout cela…
— Merci ! dit Leonard.
— Non, ce sont les autres. Ils m’ont obligé à changer de camp pour œuvrer contre la reine.
— Qui sont ces autres ? demanda Mason d’un ton sec.
— Crichton, répondit l’horloger d’un air de chien battu. Et Wilkins.
Rob donna un ordre d’un geste et quatre de ses hommes mirent pied à terre. Leurs chevaux, bien dressés, restèrent à leur place.
— Ils vous y ont obligé ? reprit Rob. Eh bien, nous ne vous avons pas encore interrogé. Autant nous exposer votre version maintenant.
Presque dans un murmure, Mew lui répondit :
— J’ai volé une idée. Celle de Mr. Mason, d’une boîte mécanique qui jouerait de la musique. Mais Crichton l’a découvert, car Mr. Mason lui en avait montré le plan. J’aurais dû le prévoir ! Je savais que Mr. Mason discutait souvent de ses idées avec le Dr Crichton ! J’avais trouvé le plan, que j’avais emporté, et j’avais commencé à fabriquer la boîte dans mon échoppe, et alors… alors… Une semaine que j’étais souffrant et n’avais pu donner ma leçon aux enfants, Crichton est venu à Windsor afin de prendre de mes nouvelles. Il a vu sur quoi je travaillais, car je m’installe sous la vitrine, pour profiter de la
Weitere Kostenlose Bücher