L'affaire du pourpoint
donc à construire son invention.
— Je suppose que j’aurais ressenti la même chose, déclarai-je. Merci pour vos explications. Je prierai pour vous.
Je faisais mine de reculer quand il m’arrêta :
— Mrs. Blanchard…
— Oui ?
— La boîte à musique que j’ai offerte à la reine… L’a-t-elle encore ? L’écoute-t-elle de temps en temps ? C’était un objet exquis. Je n’avais jamais rien fait d’aussi plaisant.
Dans la voix tremblante de Mew vibrait l’écho de sa fierté d’antan. Mais Cecil, de la porte, coupa court au mensonge que je m’apprêtais à faire :
— Non, elle ne l’écoute pas. Votre boîte a été détruite, Mew, et l’on n’en fabriquera plus de semblable. C’était une belle invention, mais vous l’avez souillée à jamais.
— J’en avais pris une pour ma fille, intervins-je. Vous en souvenez-vous ? Elle l’a encore et joue avec.
— C’est vrai ? Merci, Mrs. Blanchard, me dit Mew.
Cecil m’entraîna presque hors de la cellule.
— Je vous rappelle que cet homme est un assassin. Il a failli vous tuer ! Et Dale aussi. J’aimerais bien savoir de quoi il était question, en vérité. Teniez-vous donc tant à savoir ce que Dawson avait découvert ?
— Cela piquait ma curiosité. Et puis, Sir William, je voulais soulager ma conscience.
— Est-elle soulagée, à présent ?
— Autant qu’il est possible.
— Tout cela n’a aucun sens, marmonna Cecil avec humeur.
Sous un sycomore au bord de la Tamise, j’étais assise sur un banc avec Cecil. La demeure de Thamesbank se trouvait derrière nous, et, devant, la pente herbue descendait vers le fleuve miroitant au soleil. Le vent dessinait des vaguelettes sur l’eau scintillante et agitait les branches au-dessus de nos têtes. Meg jouait sur l’herbe avec les petits Henderson. Bridget les surveillait et se mêlait parfois à leurs rires. Quel dommage, pensai-je, que les enfants des Mason ne puissent vivre dans ce cadre si bien ordonné ! Quand je leur avais fait mes adieux, les filles avaient pleuré, et moi aussi. Elles me manquaient.
Cecil me parlait.
— Je suis venu pour vous dire quelque chose, Ursula. Vous savez, bien sûr, que Mew devait être exécuté il y a une semaine ?
— Oui. Mais pourquoi dites-vous qu’il « devait » l’être ? Je n’ai pas entendu les dernières nouvelles.
— Eussiez-vous été à la cour, vous le sauriez. La reine vous a octroyé un généreux congé.
— Je suis tombée malade, Sir William, pendant que je rendais visite à Meg. Aujourd’hui, c’est le premier jour où je peux me lever.
— Ah ! De quoi souffriez-vous ? D’une fièvre ?
— De fièvre et de maux de tête. J’y suis encline, malheureusement. Mais que s’est-il passé pour Barnabas Mew ? L’exécution n’a donc pas eu lieu ? Lui aurait-on accordé un sursis ?
— Non. Il est mort de convulsions avant son transfert à Tyburn. Peu après votre visite, en fait.
— Vraiment ? Ce dut être pour lui une sorte de délivrance.
— Sans l’ombre d’un doute. Lorsqu’on a débarrassé sa cellule, on a trouvé quelque chose d’étrange. J’en ai été avisé ce matin. Sur son lit, cachée dans les couvertures, une petite fiole où subsistaient quelques gouttes d’un liquide foncé. D’après le lieutenant de la Tour, qui m’a transmis l’information, une aiguille minuscule était collée au fond. Une aiguille d’if. On en a conclu que la fiole contenait du poison, mais on ignore comment Mew se l’est procuré.
— C’est extraordinaire…
— Vous croyiez, n’est-ce pas, que le poison qui vous était destiné et qui a failli tuer Dale était un breuvage obtenu à partir de feuilles d’if ?
— Je pense que c’est possible. On en a trouvé des brindilles dans la chambre de Crichton.
— On peut fabriquer ce poison par des moyens très simples, bien entendu. N’importe qui aurait pu s’en charger. Diverses personnes sont entrées en contact avec Mew, à part vous. Différents geôliers, suivant l’heure et le jour, des officiers de justice chargés de l’interroger, des prêtres lui offrant le secours de la religion.
— Chacun sait que les geôliers sont faciles à soudoyer.
— Il est vrai. Je suppose que ce mystère ne sera jamais élucidé, conclut Cecil, qui se leva alors. Retournez-vous bientôt à la cour ? Du travail vous attend. Lady Catherine Grey, la cousine de la reine, se comporte de façon singulière.
Weitere Kostenlose Bücher