L'affaire du pourpoint

tendais l’oreille pour écouter ce qui se passait dans la boutique. Je me demandais ce que faisait Dale, ou plutôt, pourquoi elle ne faisait rien. « Allons, Dale, finissons-en ! » Mr. Mew aboutit à des chiffres.
    — Eh bien, l’argent serait encore dans mes moyens, néanmoins c’est assez cher, répondis-je, hésitante. Pourrais-je voir un exemple de coffret en noyer ? Mais… Que se passe-t-il ?
    De l’autre côté, quelqu’un gémissait. On entendit un bruit sourd, puis Brockley m’appela d’une voix urgente. Je courus vers la porte et l’ouvris à la volée. Dale gisait par terre dans une pose fort gracieuse, Brockley agenouillé près d’elle, et Wylie les fixait, sidéré. Brockley secouait Dale, qui ne répondait pas et dodelinait de la tête. Il leva les yeux vers moi avec un air d’inquiétude très convaincant.
    — Elle s’est évanouie ! Ma femme s’est évanouie ! Elle a glissé du tabouret et…
    — Seigneur ! Transportez-la dans le bureau. Si un client venait à entrer et la voyait par terre…
    On pouvait difficilement être plus prévenant.
    — Wylie, prenez-la par les pieds…
    — Brockley et moi nous en occupons, intervins-je. Mr. Mew, pourriez-vous, Mr. Wylie ou vous-même, rattraper votre apprenti pour qu’il explique aussi à l’apothicaire ce qui vient d’arriver ? Si nous attendons que Timothy revienne, on perdra encore du temps.
    — Mais, madame, si vous envoyiez votre serviteur…
    — Je ne veux pas quitter Fran alors qu’elle est dans cet état ! répliqua Brockley, très crédible dans son rôle d’époux affolé, sinon dans celui de serviteur respectueux.
    — Non, non, bien entendu ! Aidez-moi à la porter dans le bureau. Après tout, Mr. Mew, il est son mari, et nous ne l’avons encore jamais vue ainsi ! De grâce, allez chez l’apothicaire ou envoyez-y Mr. Wylie. L’un de vous pourra encore garder la boutique, ajoutai-je, implacable, réglant les affaires de Mew à sa place.
    — De plus, vous savez où se trouve l’apothicaire – et moi, non ! renchérit Brockley, tandis que nous passions la porte du bureau en portant Dale. Vite, messire ! Fran, Fran, réveille-toi ! Oh, madame, que lui arrive-t-il ?
    — Posez-la ici, ordonnai-je.
    Nous la déposâmes par terre et j’ôtai mon manteau, que je pliai pour le glisser avec douceur sous sa nuque.
    — Messire Mew, je vous en prie, faites quelque chose ! Consultez l’apothicaire ou allez quérir un médecin !
    À nous deux, nous laissions à Mew peu de chances de protester. Bon gré, mal gré, il confia la boutique à Wylie et partit sur les traces de son apprenti. Je fermai la porte du bureau, où nous nous retrouvâmes seuls. Le champ était libre. Dale se redressa et Brockley l’aida à se lever.
    — Bien joué ! la félicitai-je.
    — Merci, madame, répondit Dale, et malgré sa froideur on la sentait plutôt satisfaite d’elle-même.
    Brockley dit à voix basse :
    — Il y a une chose que vous devriez savoir au sujet de ce Joseph Wylie.
    — Oui. Cela a attiré votre attention dès que nous sommes entrés dans l’échoppe. Qu’y a-t-il ?
    — Je l’ai déjà vu. Madame, c’est l’homme qui dirigeait la barque le jour où l’on vous a enfermée dans l’abri à bateau, alors que vous pensiez rejoindre votre époux.
    — Quoi ! m’écriai-je, stupéfaite. Comment pouvez-vous en être sûr ? Il était enveloppé comme Cléopâtre dans son tapis !
    — Quand il vous a aidée à monter dans son bateau, je l’ai vu de dos. Dans la boutique, j’ai reconnu la carrure de ses épaules. Et aussi sa voix. C’est bien lui.
    — Oh, mon Dieu ! fit Dale en pâlissant.
    Brockley semblait brûler de nous prendre l’une et l’autre par le bras et de nous entraîner au-dehors. Je me sentais aussi horrifiée qu’eux, même si je soupçonnais déjà Mew de bien pires forfaits qu’un enlèvement. Toutefois, maintenant, nous étions là.
    — Cela prouve donc que nous cherchons au bon endroit, déclarai-je. Vite. Au travail !
    Ils hésitèrent, mais, devant ma détermination, ils obéirent. L’un et l’autre savaient bien lire, aussi, je les chargeai d’examiner les factures pour chercher toute mention insolite, comme une commande d’importantes quantités de métaux, le paiement de services rendus ou tout ce qui avait trait à la France.
    Je tournai mon attention vers les étagères, où le coffret, surtout, semblait une invite. Il était fermé à