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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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Descendant les degrés de l'hôtel de police les leçons premières de son chef lui revinrent en mémoire, en particulier la définition souvent ressassée que Colbert donnait à l'éminente fonction de lieutenant général de police : « Il faut que celui-ci soit un homme de simarre et d'épée, et si la savante hermine du docteur doit flotter sur ses épaules, il faut aussi qu'à son pied résonne le fort éperon du chevalier, qu'il soit impassible comme magistrat et comme soldat intrépide, qu'il ne pâlisse devant les inondations du fleuve et la peste des hôpitaux, non plus que devant les rumeurs populaires et les menaces des courtisans. »
    Nicolas songeait avec mélancolie que les temps avaient changé et que la puissance royale ne soutenait pas autant que par le passé la main du magistrat.

X
    LE ROI
    Ci gît ce bien aimé Bourbon
    Monarque d'assez bonne mine
    Et qui paye sur le charbon
    Ce qu'il gagne sur la farine
    Anonyme

    Jeudi 28 avril 1774
    Deux mois s'étaient écoulés dans la routine des tâches quotidiennes. M. de Sartine, revenu à sa sérénité habituelle, entourait Nicolas de prévenances particulières, comme s'il souhaitait se faire pardonner l'obligation où il s'était trouvé d'interrompre l'enquête sur le meurtre de la rue de Verneuil. Nicolas feignait d'en prendre son parti espérant sourdement qu'un jour d'autres circonstances plus favorables conduiraient la justice à reprendre son cours normal. Une chose le rassérénait et lui faisait oublier cet échec : le roi le conviait de plus en plus souvent à Versailles. Outre sa présence aux chasses, sa participation répétée à de petites réunions manifestait une faveur qu'assurait encore davantage la bienveillance aimable de Mme du Barry. Elle écoutait volontiers La Borde, lequel lui avait insinué que le petit Ranreuil savait mieux que personne distraire le roi et que sa présence garantissait quelques sourires.
    Il est vrai que la chose paraissait de plus en plus nécessaire. Le roi venait d'atteindre sa soixante-troisième année. Il avait grossi et supportait de plus en plus mal les excès de toutes sortes. Ses absences se multipliaient, ressemblant aux effets de l'ivresse et qui nourrissaient les rumeurs des Cours étrangères. Comme dans les derniers temps de son aïeul, on commençait à parier à Londres sur la durée du règne. Il tombait souvent de cheval mais ne « dételait » pas en dépit des objurgations répétées de son médecin. Toujours amateur de femmes et de bonne chère il avait fini pourtant par se soumettre à un régime, à boire de l'eau de Vichy et à supprimer presque complètement les soupers. Une succession de disparitions subites dans son entourage l'assombrissait, lui que la mort avait toujours hanté. On rapportait ses moindres paroles en commentant ses velléités de retour à la pratique religieuse. On notait ses visites de plus en plus fréquentes à Madame Louise, sa fille, carmélite à Saint-Denis.
    L'abbé de Beauvais, évêque de Senez, avait prêché le jeudi saint à Versailles. Nicolas se souvenait encore de ce moment effrayant qui avait frappé tous les assistants. L'orateur avait choisi la mort comme thème de son homélie. Il commença par détruire l'illusion que le siècle connaissait une longévité des hommes plus grande que dans les précédents. Il peignit avec éloquence les misères du peuple dont l'amour envers le souverain s'affaiblissait. Il s'attaqua ensuite à l'existence du roi qu'il décrivit sous le masque transparent de Salomon. Nicolas se souvenait de ses paroles : «  Enfin, ce monarque rassasié de volupté, las d'avoir épuisé, pour réveiller ses sens flétris, tous les genres de plaisirs qui entourent le trône, finit par en chercher d'une nouvelle espèce dans les vils restes de la licence publique . » La dernière apostrophe du prélat avait fait pâlir le roi et atterré les courtisans : «  Encore quarante jours et Ninive sera détruite . » Quant à la favorite, frappée au cœur et animée de sombres pressentiments, elle ne dissimulait pas son angoisse et souhaitait voir passer « ce vilain mois d'avril » depuis que l' Almanach de Liège , colporté sous le manteau, avait prédit la chute prochaine « d'une grande dame jouant un rôle dans une Cour étrangère ».

    Nicolas était arrivé la veille, appelé à Versailles par un message de M. de La Borde. Il avait été intrigué de la mention d'une surprise, sans autres précisions.

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