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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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suavité du ton dissimulait une grandissante irritation.
    Nicolas fit donc son rapport sur un ton volontairement neutre, veillant à ce qu'aucun excès n'ouvre les vannes à un torrent de reproches. Vain espoir : la mort de Casimir, les découvertes de Semacgus au Jardin du roi, et l'enquête sur les écrits présumés de Julie, si elles ne déclenchèrent aucun éclat, n'entraînèrent pas moins quelques translations d'objets marques de l'impatience du magistrat. L'information sur la mort de M. du Maine-Giraud et sur l'implication probable de Balbastre fut reçue de la même façon. En revanche, l'annonce de la fuite de l'organiste à l'hôtel d'Aiguillon et, surtout, les dernières nouvelles de la nuit firent sursauter M. de Sartine. La fouille chez Balbastre avait en effet conduit à découvrir des souliers maculés de sang et, dissimulée au fond d'une armoire, la robe du capucin tout aussi souillée. Outre cela, l'ouverture pratiquée à la basse-geôle par Semacgus et Sanson conduisait à exclure la mort par suicide. M. du Maine-Giraud avait bel et bien été assassiné. Le sondage de la plaie avait révélé qu'une première blessure lésant le foie avait provoqué un afflux hémorragique mortel de l'organe noble, et qu'on avait ensuite procédé à une mise en scène. Le corps avait été embroché sur l'épée coincée par les barreaux de la chaise, la pointe de lame enfoncée dans la première blessure. Cette seconde pénétration avait suivi une voie différente de la première. Aucun doute n'était permis, et d'ailleurs, le sang répandu dans la chambre, les éraflures du parquet causées par les bottes dont les semelles avaient été nettoyées avant d'être rangées, prouvaient une attaque violente. La victime menacée pouvait s'être débattue ou avoir tenté de parer le coup fatal. En conclusion, Nicolas sollicitait du lieutenant général de police l'autorisation d'arrêter Balbastre, qui n'était peut-être pas l'assassin mais qui possédait certainement des informations essentielles au déroulement de l'enquête. Cette conclusion, pourtant logique, déclencha la fureur de Sartine qui se mit à vitupérer en parcourant à grandes enjambées son bureau.
    — Le bon déroulement de l'enquête ! Quelles billevesées allez-vous encore m'assener, monsieur le commissaire ? Où sont le désordre et l'impuissance, si ce n'est dans une affaire incertaine où vous nous avez entraînés par une liaison irraisonnée ?
    Nicolas, outré de la mauvaise foi de son chef, essaya de protester.
    — M'y serais-je abandonné, si vous-même, monsieur qui saviez tout, m'en aviez dissuadé ?
    M. de Sartine asséna un vigoureux coup de pincette sur une pyramide de bûches qui s'écroula à grands fracas dans la cheminée.
    — Taisez-vous ! Et comme c'est votre fâcheuse habitude, voilà que vous semez les morts derrière vous ! Non seulement votre maîtresse est assassinée, mais son serviteur, un jeune homme inconnu et qui d'autre encore ? Vous instaurez le désordre dans la cité et je m'interroge sur le bien-fondé de la protection dont vous avez jusqu'à présent bénéficié.
    Il reprit souffle.
    — Car enfin, qu'imaginez-vous ? Vous êtes bien placé, monsieur, ce me semble pour connaître ce à quoi vous avez échappé : dans ce royaume, qu'on le déplore ou non, et je fus, ne l'oubliez pas, lieutenant criminel à une époque où vous polissonniez encore chez les jésuites de Vannes, semant sans doute le désordre dans ce lieu d'étude. Que disais-je ? Oui, il se trouve que notre procédure a pour but d'assurer le succès d'une accusation, vraie ou fausse. Et bien qu'on y remarque un soin méticuleux dans l'établissement des moindres pièces, un souci constant de la règle et la préoccupation de réunir le plus grand nombre de preuves, on sait que le juge intervient d'emblée avec l'idée que la personne conduite devant lui est coupable et que le travail de l'instruction vise surtout à livrer une proie à sa vindicte et à fournir au peuple un exemple de terreur salutaire. Quelles que soient l'intégrité, la sensibilité et l'intelligence des magistrats, la pente qui les entraîne est celle-là. Comprenez-vous, comprenez-vous ?
    — Mais qu'ai-je à voir, monsieur...
    — Il est idiot, ma foi ! s'exclama Sartine. Supposons, monsieur qui faites la bête, qu'un citoyen possède un ennemi dangereux, désireux de le perdre en l'accusant d'un crime capital, sentez-vous dans quelle gêne

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