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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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prison l'emportait sur sa destination religieuse.
    Après avoir attaché le hongre à un anneau, il souleva le lourd marteau de la porte de la clôture. Rien ne répondit à son sourd écho. Il remarqua une poignée qui sortait de la muraille et qui correspondait sans doute à une cloche intérieure ; il la tira. Dans le lointain, il entendit le tintement espéré. Peu après, le guichet s'ouvrit et une ombre derrière l'entrelacs de bois lui demanda ce qu'il voulait.
    — Ma sœur, répondit-il, j'ai un message urgent à transmettre à Mme de la Roche-Fontenilles, votre mère supérieure.
    La Borde, lors de leur retour à Versailles, lui avait communiqué les informations nécessaires.
    — De la part de qui, monsieur ?
    — Nicolas Le Floch, secrétaire du roi en ses conseils, commissaire de police au Châtelet et magistrat en mission.
    Il n'avait pas lésiné sur ses titres.
    — Qui vous envoie ?
    — M. Gabriel de Sartine, au nom du roi.
    Cette précision n'était pas inutile dans un lieu comme cette abbaye qui n'était pas seulement un couvent, mais bel et bien une prison d'État ressortissant de la lieutenance générale de police et où l'on envoyait les femmes sous le coup de lettres de cachet.
    — Je vais aviser, fit la sœur tourière.
    Le guichet se referma dans un claquement sec. Il attendit un moment, puis la lourde porte s'ouvrit. Sans un mot, la religieuse en robe blanche de guimpe, voile noir et scapulaire, l'invita à la suivre. L'intérieur du monastère offrait une apparence encore plus lugubre que l'extérieur. Des vieilles voûtes gothiques, l'eau dégouttait, retombant sur le sol et transpirant des murailles couvertes de moisissures verdâtres. Nicolas frémit, se remémorant sa première visite à la Bastille. La religieuse poussa une autre porte et s'effaça pour le laisser entrer. L'immense pièce était nue ; seul un crucifix de bois noir de grande taille dominait une table rectangulaire de chêne derrière laquelle se tenait la longue silhouette dressée de la mère supérieure. Il s'approcha et salua. On ne lui répondit pas.
    — Puis-je savoir, monsieur le commissaire, ce qui vous conduit dans ces murs ?
    — Je suis chargé, ma révérende mère, d'une mission par M. le lieutenant général de police. Je dois sur-le-champ m'entretenir avec Mme la comtesse du Barry.
    Le visage émacié de la religieuse eut comme un haut-le-cœur.
    — Savez-vous, monsieur, que j'ai des ordres très précis et éloquents de la faire tenir au secret ? Ils viennent de haut et chacun doit en comprendre la rigueur. De surcroît, j'estime qu'il ne faut plus troubler le repos et la sérénité de cette pauvre jeune femme.
    Nicolas mesura aussitôt que la supérieure avait déjà subi le charme de la comtesse.
    — Madame, j'exécute un ordre du roi et ne peux m'y soustraire.
    Il sortit dans un grand geste de théâtre sa lettre de plénipotentiaire. Il la présenta à bout de bras à son interlocutrice. Soit qu'elle ne pût s'imaginer possible qu'il ne dît pas la vérité, soit – il le soupçonna fortement – qu'elle eût besoin de bésicles mais que, toute sainte qu'elle fût, elle ne voulût pas en faire usage, soit enfin que l'autorité du geste la confondît, elle céda.
    — Monsieur, je ne saurais m'opposer aux ordres du roi. Plaise seulement à vous d'autoriser à ce que cet entretien se déroule en ma présence.
    Il acquiesça, trop heureux de s'en tirer à si bon compte. Elle frappa dans ses mains. La porte s'ouvrit et la sœur tourière fut priée d'aller chercher la comtesse. Quelques instants après, celle-ci parut. Elle était en grand deuil de dentelles noires avec une mantille sur la tête. Nicolas lui fut reconnaissant de n'avoir point choisi le blanc, couleur du deuil des reines de France. Les yeux semblaient agrandis et rougis, mais le visage sans fards et marqué d'une évidente douleur lui parut comme rajeuni. Elle avait repris cette fraîcheur et cette jeunesse qui avaient tant séduit le roi. Elle rendit son salut à Nicolas et, au premier regard, il comprit qu'elle avait saisi la situation et qu'elle s'y prêterait avec cette rouerie admirable d'une femme experte aux intrigues de Cour.
    — Madame, la révérende mère m'autorise à vous entretenir.
    Il l'entraîna loin de la table, sans que Mme de La Roche-Fontenilles fît un geste pour s'y opposer et entendre ce qu'il avait à dire à la prisonnière.
    — Je n'ai guère de temps. Le roi m'a chargé,

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