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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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    — Soit, mais qu'allons-nous faire ? rétorqua Bourdeau avec un grand geste qui embrassait tous les éléments du champ de bataille.
    — Je suis en mission, vous vous en doutez. Je n'ai d'ailleurs rien à vous celer : je dois me rendre au plus vite au lieu d'exil d'une certaine dame.
    Il réfléchit un instant.
    — Le plus simple, mon cher Pierre, consiste à ce que vous jouiez les cochers pour ramener les deux corps à Paris. Nous allons les placer dans la voiture. Je prends le cheval de Cadilhac, le vôtre vous suivra. Faites au mieux pour le pauvre cocher et sa famille. Pour l'autre, à la basse-geôle et secret absolu. Je veux que ceux qui ont animé cette créature pensent qu'il a disparu ou, mieux encore, qu'il les a trompés, qu'ayant réussi son dessein à mon égard, il a souhaité garder pour lui-même le fruit de son agression. Faites courir le bruit par nos mouches, pour plus de vraisemblance et de ragoût, qu'attaqué par un bandit, j'ai été dépouillé. Ce bruit reviendra à qui de droit et recoupera les hypothèses sur la disparition de Cadilhac. Mon pauvre Pierre, je regrette de vous confier une tâche si peu agréable.
    — J'aime mieux ramener ces deux-là qu'un commissaire en quenouille ! fit Bourdeau. Je déduis de vos propos que vous êtes porteur de quelque chose de bien précieux.
    — On ne peut rien cacher à votre sagacité, dit Nicolas, le doigt sur les lèvres.
    Ils portèrent les corps dans la voiture et les rideaux furent soigneusement ajustés. Le cheval de Bourdeau fut attaché par un licol au châssis. Ils se séparèrent, et tandis que Bourdeau dégageait la caisse du bas-côté, Nicolas prit possession du cheval de Cadilhac. C'était un beau hongre blanc, lourd et un peu cagnard, mais curieux et bien disposé. Il lui parla un moment à l'oreille en lui caressant la peau douce des naseaux. Les oreilles de l'animal pointaient en avant, d'intérêt et de compréhension. Tout se passerait bien. Il bondit en selle et prit la route de Meaux dans un galop enlevé, heureux comme sa monture d'être le nez au vent dans l'odeur de la campagne, au milieu de nuages de graines de pissenlits qu'un souffle soulevait des champs avoisinants. Il s'efforçait de ne point penser à ce nouvel épisode d'une longue suite d'attentats au cours de laquelle sa vie n'avait tenu qu'au hasard. Bourdeau serait-il arrivé quelques instants trop tard, c'est lui, Nicolas, qu'on ramènerait à cette heure à Paris. La résurgence d'un passé oublié le troublait comme une anomalie incompréhensible, lourde de menaces nouvelles et d'angoissants questionnements. Que trouverait-on à l'adresse récupérée sur l'agresseur ? À quelle découverte l'enquête conduirait-elle ?
    Il évita Meaux, soucieux de ne pas se faire remarquer dans le cas où d'autres sicaires postés sur son chemin l'attendraient au détour d'une rue. Une question le taraudait : il était impossible que toutes ces coïncidences fussent le résultat des seules filatures. Quelqu'un, informé de la mission que lui avait confiée le feu roi, agissait dans l'ombre, ou bien, la trahison jouant son rôle obscur, les forces qui s'agitaient comme des nœuds de reptile autour du trône l'avaient désigné pour gibier d'une traque commencée depuis des mois et dont le signal avait été donné par le crime de la rue de Verneuil.
    Le but de son voyage se trouvait dans une petite vallée près d'un lieu-dit, passage obligé des dames de la famille royale, lorsqu'en longue caravane elles gagnaient Reims pour le sacre. Les bâtiments parurent bientôt, massifs et grisâtres. Il fit halte dans un petit bois et enfila sa robe de magistrat. Il avait emporté avec lui, à tout hasard, le passeport signé par le roi le constituant son plénipotentiaire lors de son voyage en Angleterre. Cela ne valait guère, le roi étant mort, mais à qui les regarderait d'un peu loin, la signature et le sceau royal pouvaient encore en imposer. Il remonta sur son cheval et franchit au pas le portail ouvert du couvent. Il pénétra dans une vaste cour intérieure entourée de bâtisses noires où se montraient des granges, des bûchers, des pressoirs et des écuries. Le sol était constitué de gros pavés disjoints sur lesquels son cheval glissait. Il mesura d'un regard la détresse et la saleté du lieu et imagina l'impression de la comtesse après les splendeurs de Versailles et de Louveciennes. D'évidence, l'abbaye manquait d'entretien et son aspect de

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