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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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dame après la mort du roi.
    — Et...
    — Et, monsieur le curieux, je ne le fis pas, considérant que mon maître étant mort, mon service cessait aussitôt et que ses ordres n'avaient plus lieu d'être. Son successeur aurait à trancher, les révoquer ou les renouveler.
    — Cependant, s'emporta Nicolas, j'ai donné ma parole à une femme dans le malheur. Que dois-je désormais lui dire ?
    — Tout beau, tout beau ! Il n'y a rien à lui dire, répondit sèchement La Vrillière. Qu'elle s'estime heureuse de la mansuétude du roi.
    L'indignation saisit Nicolas comme un vertige. Le roi le regardait avec intensité et son visage se fermait. Était-ce lui ou le ministre qui suscitait ce nuage ? L'avenir du duc était-il déjà arrêté ? Fallait-il se fier aux allures débonnaires de ce géant maladroit dont Nicolas avait pu mesurer les connaissances et le bon sens ?
    — M. Le Floch a raison, dit enfin Louis XVI. Bon sang ne saurait mentir. Tenez, monsieur.
    Le roi sortit la petite bourse de velours rouge scellée censée contenir les diamants et la lui tendit en souriant.
    — Vérifiez le contenu, monsieur.
    — Votre Majesté se moque. Elle sait que j'obéis toujours au roi, les yeux fermés.
    — C'est bien, monsieur. Voici une lettre pour l'abbesse. Nous vous faisons telle confiance que nous avions anticipé votre venue. Quant à la dame en question, dites-lui de ma part – et ma parole vaut bien un chiffon de papier – que le respect que nous portons à la mémoire de notre grand-père exclut toutes mauvaises manières à son égard. Qu'elle se rassure, qu'elle soit patiente et qu'elle ne fasse point parler d'elle. Cette malheureuse est plus à plaindre que beaucoup de ceux qui l'abandonnent.
    Il jeta un regard de côté sur La Vrillière.
    — En tout cas, qu'elle soit convaincue que jamais – nous disons : jamais – Choiseul, dont je n'ignore point qu'elle craint la vengeance, ne reviendra aux affaires. Voilà, monsieur, courez laver votre honneur ; il m'est cher.
    Nicolas s'agenouilla devant le roi, qui le releva sous le regard sans expression du ministre.
    Sur le chemin du retour, Nicolas s'efforçait de ne point penser et de fixer son attention sur le spectacle de la rue. Sa première réaction avait été d'accepter et de comprendre l'ultime précaution du roi. Il se disait cependant qu'un procédé plus sincère eût été tout aussi efficace et lui aurait permis de mesurer les risques inhérents à cette mission. Il aurait alors de grand cœur accepté qu'on le prît pour appât. Au reste, dans toute cette affaire, sa vie ne pesait pour rien. La balle qui le visait l'avait manqué de peu et, sans l'intervention de Bourdeau, son cadavre pourrirait dans quelque taillis ombreux de la Brie. En vérité, il ne savait plus que penser. Il se souvint des propos de La Borde au cours des terribles journées de l'agonie du roi. Leur maître, au gré de son état, poursuivait sans relâche un plan longtemps médité. L'ordre, la fermeté et la suite qu'il mettait dans tout cela étonnaient même son premier valet de chambre. Il calculait tout et arrangeait tout sans rien dire et avec beaucoup de cohérence. Il ne réclama les sacrements que lorsqu'il fut persuadé de n'avoir plus de recours.
    D'autres propos plus amers, comme ceux de Bourdeau, lui revenaient à l'esprit. L'inspecteur, toujours dévoué à sa tâche, ne nourrissait plus aucune illusion sur la reconnaissance et la considération des puissants. La première n'était, selon lui, que la seule richesse des pauvres et la seconde une illusion de ceux qui croyaient en bénéficier. « Ainsi sont les grands... », ajoutait-il en levant les yeux au ciel. Il n'en poursuivait pas moins son service sans états d'âme superflus. Nicolas se promit de suivre son exemple. Les années apportaient d'inévitables désillusions. Les leçons s'accumulaient sans qu'on en tire les conséquences. Le dévouement et la loyauté s'apparentaient-ils, en ce temps de dissipation et de dévoiement, à de la naïveté ? En dépit de tout, il ne pouvait s'en convaincre. Il y avait plus d'honneur à s'en tenir à ses propres règles qu'à s'abandonner aux travers du siècle. Ce fut sur cette réflexion qu'il fit son entrée à l'hôtel de Gramont.

    M. de Sartine achevait de dîner, tardivement car des urgences avaient retenu longtemps son attention 66 . Il accourut, la serviette à la main. Nicolas lui rapporta mot pour mot son audience avec le roi. On

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