Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
l'écouta sans l'interrompre, le visage glacé. Un long silence suivit.
    — Ainsi, fit-il, le duc de La Vrillière connaissait la mission que le roi vous avait confiée, et cela, dès le début ?
    Un nouveau silence s'établit, puis Sartine parut se parler à lui-même et Nicolas percevait à peine ses paroles.
    — Je ne le comprends que trop bien... Ma sottise a été de l'avoir méconnu en m'attachant à lui... Vanité, de mêler le sentiment aux affaires... Combien nous sommes loin du compte ! Pendant vingt ans, mon orgueil s'est gorgé de bassesse et je devrais, aujourd'hui, être surpris qu'il en résulte quelque écœurement ! Ce moment est décisif... Renonçons à l'élégance, et que la clarté nous tienne lieu de raison.
    Il leva les yeux comme s'il découvrait soudain qu'il n'était pas seul. Son visage retrouva son impassibilité habituelle.
    — Puisqu'il en est ainsi, reprit-il, il me revient d'informer le roi. Voici mes instructions : que le commissaire Le Floch – vous, Nicolas – après s'être rendu à l'abbaye de Pont-aux-Dames, revienne promptement à Paris. Qu'il ouvre derechef, aidé et secondé par l'inspecteur Bourdeau et par tout l'appareil de notre police, le dossier du meurtre de Mme de Lastérieux. Qu'il replace sous le contrôle de la force les témoins épars jusqu'ici protégés par une puissance en place. Qu'on les saisisse et que, dûment interrogés, ils témoignent enfin. Les éléments de la première enquête colligés et recoupés devront nourrir une instruction formelle et – je l'exigerai au besoin de Sa Majesté – secrète. Pour cela, une commission que je présiderai avec le lieutenant criminel et une personne de qualité, que le roi désignera, se réunira, vous entendra et décidera des suites de l'affaire. J'entends que la clarté tout entière soit faite sur cette succession d'événements liés sans aucun doute à des menées souterraines et politiques. Monsieur, votre devoir est clair. Allez.
    M. de Sartine, le visage animé d'un sang nouveau, quitta son salon, battant ses mollets de sa serviette comme s'il s'était agi d'une cravache fustigeant des bottes de chasse.

    Dimanche 15 mai 1774
    Après Meaux, le soleil levant inonda la route et la campagne environnante. Par les vitres baissées, un vent léger apportait par bouffées des parfums d'herbe mouillée, de fleurs, au milieu du gazouillis ininterrompu des oiseaux. Le ciel, sans un nuage, ajoutait encore à la sérénité de ce nouveau voyage dans lequel Nicolas s'était précipité, heureux d'achever sa mission et impatient de l'action à venir qui, il l'escomptait, lui permettrait de reprendre en main un destin depuis trop longtemps contraire.
    Il arriva à l'abbaye de Pont-aux-Dames peu avant la messe dominicale. Il éprouva la différence de l'accueil qui lui fut réservé. Sans doute prévenue, la mère supérieure se prodigua en attentions. Il dut accepter d'assister à l'office. Mme du Barry en grand deuil, le visage incliné sur son livre d'heures, ressemblait à une apparition céleste descendue de quelque vitrail. En dépit de leur retenue, les sœurs les plus jeunes l'observaient en cachette sous le regard sévère des plus âgées. Au reste, Mme de La Roche-Fontenilles n'avait pas tari d'éloges sur « la pauvre jeune femme », vantant sa douceur, son charme, le son cristallin de sa voix, la vivacité de ses manières et même son ardente piété. La comtesse le suivit ensuite dans le cloître. L'air printanier chassait les miasmes humides des voûtes. L'abbesse, en retrait, les observait discrètement avec un sourire bienveillant. Il rapporta les propos du roi et remit la bourse de velours, dont elle ne vérifia pas le contenu, mais qu'elle serra sur son cœur en soupirant.
    — Comment, monsieur le marquis, puis-je vous exprimer ma reconnaissance ?
    Il se souvint d'une autre favorite, elle aussi en péril, qui le nommait ainsi.
    — En me gardant dans votre souvenir, madame, comme un fidèle et loyal serviteur du roi, répondit-il.
    — Je prie le ciel, monsieur, de pouvoir un jour avoir recours de nouveau à votre aide.
    — Elle vous est acquise.
    Elle lui demanda de l'attendre un moment. Quand elle revint, elle lui tendit une petite tabatière d'or guilloché, dont le couvercle était orné d'un portrait en miniature de Louis XV.
    — Voilà tout ce qu'une pauvre femme peut faire pour manifester sa reconnaissance.
    Il s'inclina. Son émotion n'était pas suffisante

Weitere Kostenlose Bücher