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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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parvenait pas à démêler s'il s'agissait de la peine suscitée par la rupture des liens si étroits que Sartine avait noués au fil des entretiens hebdomadaires avec son souverain, ou de la hantise d'un homme de pouvoir dont l'influence, jusqu'ici sans conteste, risquait, avec le nouveau règne, de diminuer et même de disparaître. Nicolas songea qu'il en serait ainsi pour tous les serviteurs proches de Louis XV, La Borde exprimant la même crainte sous une autre forme.

    Aux approches du château de la Muette, il fut surpris de l'atmosphère d'allégresse qui animait une foule désœuvrée sous les frondaisons du bois de Boulogne. Des guinguettes improvisées avaient surgi avec des marchands d'oublies et des vendeurs de coco. Il observa un de ces marchands avec sa fontaine en fer-blanc sur le dos, coiffé d'un bonnet garni de plaques de cuivre et de plumes de héron. Il avait la taille entourée d'un tablier blanc et deux gobelets d'argent apparaissaient enchaînés à sa ceinture. La voiture s'étant un moment arrêtée dans les flots ralentis, il entendit le cri traditionnel : « À la fraîche, à la fraîche, qui veut boire ? » Un quidam qui se désaltérait eut soudain la surprise de voir son gobelet jaillir de ses mains et s'envoler, arrosant d'eau de réglisse toute l'assemblée environnante. Quelqu'un avait marché sur la chaîne qui, s'étant tendue, avait produit cette catastrophe. Plus loin, des badauds se pressaient en foule autour d'une lanterne magique. Son heureux détenteur promettait pour attirer le chaland d'y montrer « ce que partout ailleurs jamais on ne verra, le pucelage d'une fille de l'Opéra ». Il s'était associé avec une grosse femme qui profitait de l'attroupement pour écouler une boîte de croquets odorants pendue à son cou par une bretelle. Nicolas, en dépit de sa peine, n'était pas insensible à la joie de ce peuple aimable qui s'assemblait aux abords de la résidence royale dans l'espoir, souvent déçu, d'en apercevoir les occupants et de clamer son espérance pour les temps nouveaux.
    La Muette – ou la Meute, comme disaient encore les vieux Parisiens du temps où elle abritait le capitaine des chasses royales – avait vu la mort de la duchesse de Berry, la fille trop aimée du régent d'Orléans. En 1747, le feu roi l'avait rebâtie pour la transformer en maison de plaisance et en rendez-vous de chasse. Louis XVI et Marie-Antoinette y résidaient avec un appareil de cour réduit. Nicolas ne rencontra aucune difficulté à pénétrer dans les lieux. Le capitaine des gardes du corps le mit entre les mains de M. Thierry, jusqu'ici premier valet de chambre du dauphin, et qui recueillait, avec l'avènement de son maître, la succession de M. de La Borde. Cet homme discret et courtois reçut le pli de M. de Sartine, se retira, puis revint chercher le visiteur pour l'introduire dans un salon. Deux personnes s'y trouvaient déjà. Dans l'une, en tenue violette de deuil barrée du Saint-Esprit, il reconnut celui qu'il nommait encore, dans son for intérieur, le dauphin et, dans l'autre, M. de La Ferté, intendant des Menus-Plaisirs.
    — Qui êtes-vous ? demandait le roi, qui regardait ce dernier, sous le nez en clignant des yeux à droite et à gauche.
    — Sire, je m'appelle La Ferté et viens prendre vos ordres.
    — Comment ! Pourquoi ?
    Nicolas nota le ton un peu trop brusque. M. de La Ferté recula, déconcerté.
    — C'est que... Sire, je suis intendant des Menus.
    — Qu'est-ce donc que les Menus ?
    — Sire, ce sont les Menus Plaisirs de Votre Majesté.
    — Nos menus plaisirs sont de nous promener à pied dans le parc. Nous n'avons pas besoin de vous 65 .
    Il lui tourna le dos et, dans ce mouvement, il aperçut Nicolas. Il ne le reconnut pas tout de suite. Ses yeux clairs, pleins de douceur et d'incertitude, dénotaient une myopie qui, sans bésicles, le plaçait dans un monde flou et ôtait toute assurance à son regard. Nicolas revit les yeux noirs si expressifs du feu roi. Il fut frappé à nouveau par la taille de son souverain qui le dominait d'une bonne tête. Mais l'ensemble manquait d'harmonie, la jambe était trop forte, la figure un peu molle avec des dents fort mal rangées. Déjà irrité par M. de La Ferté, le roi avança sur Nicolas pour le toiser, puis son visage s'éclaira d'un sourire aimable mais peu gracieux.
    — Ah ! monsieur, savez-vous que nous avons eu une bonne conversation avec votre ami algonquin ? Bien

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