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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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impliquer. Rejoignez vos tâches habituelles, mais ne mettez, ni de près ni de loin, le doigt dans l'engrenage de l'enquête diligentée. Ce sera déjà bien assez que l'inspecteur Bourdeau, votre ami...
    Il appuya sur le possessif.
    — ... soit chargé d'y mettre bon ordre. Sans compter que nos fouilleurs d'entrailles sont aussi de vos proches. Tout cela, que l'on pourrait aisément me reprocher, impose...
    — Cependant, monsieur...
    — Cependant, rien du tout ! Je disais... m'impose de vous tenir éloigné de cette cause. N'imaginez pas, pour autant, que je ne comprends pas vos sentiments, votre désarroi et le légitime souci de participer aux recherches sur la mort de votre amie. Mais les choses nous imposent leur cours. Vous vous trouverez bien d'obéir. Tant que le mystère n'est pas éclairci, tout mouvement de votre part nuirait à la régularité de nos démarches et me placerait en position délicate par rapport à l'un de ces magistrats que l'air du temps n'a que trop tendance à se hausser contre l'autorité du roi.
    M. de Sartine se leva, contourna son bureau en retenant de la main une perruque qui avait failli choir et prit Nicolas par l'épaule pour le pousser doucement vers la porte.
    — Si vous m'en croyez, prenez un peu de bon temps. Que diriez-vous d'aller à Versailles et de faire votre cour à Mesdames ? Encore hier, Madame Adélaïde m'a demandé de vos nouvelles. Ou bien, montrez-vous chez Mme du Barry et paraissez à la chasse du roi. Bref, un peu d'esprit courtisan ne messiérait point par les temps qui courent. Versailles est un lieu où il faut se montrer souvent de crainte d'y être oublié !

    Comme Nicolas, suivi de Bourdeau, s'apprêtait à descendre l'escalier, il entendit le lieutenant général de police rappeler l'inspecteur. Ce fut un aparté de quelques instants, dont il ne put rien saisir. Ils rejoignirent ensuite leur voiture sans que Bourdeau ait ouvert la bouche. Il resta muet tout au long des rues où, dans un épais brouillard, se mouvaient les ombres floues des passants. Nicolas se taisait, sans s'inquiéter de la destination. En proie aux perversités de son imagination, son esprit se peuplait d'images atroces auxquelles succédaient d'interminables et fiévreux raisonnements sur les causes et les conséquences de l'événement. Puis revenaient, comme montant à l'assaut de ses défenses, les propos de M. de Noblecourt et, en écho, les recommandations de M. de Sartine. Tout cela sonnait en lui comme les coups répétés d'un glas funèbre et comme autant de manifestations des dangers indiscernables dont il se sentait soudain environné. Rien n'avait encore éclairé la mort de Julie que déjà chacun s'évertuait à l'accabler de conseils et à lui recommander la prudence. Oui vraiment, se répétait-il, quelles que soient l'amitié et la confiance qu'on lui manifestait, c'était en tant que présumé coupable qu'il était traité. Et coupable de quoi ? Il était difficile de le préciser. C'était cela qui suscitait son malaise, cette angoisse diffuse et cette impression de dévaler une pente sans pouvoir se raccrocher au moindre relief. Il jeta un œil de côté sur Bourdeau, dont l'immobilité donnait à penser qu'il dormait les yeux ouverts. Il voulut lui parler, mais aucun son ne sortit de sa bouche, et d'ailleurs que lui aurait-il dit ? La solitude qui avait toujours été sa compagne dès sa plus tendre enfance rappelait son emprise de la manière la plus cruelle et la plus inattendue.
    Le bruit de l'équipage résonna sous la voûte sombre du Châtelet. Les vieilles murailles le plongèrent dans une mélancolie si profonde que Bourdeau dut le tirer par le bras. Le gamin de service, toujours à l'affût de quelques courses, le regardait sans reconnaître dans cet homme accablé et buté, le brillant cavalier qui lui jetait en riant les rênes de sa monture. Nicolas parcourut le chemin habituel comme un automate, passa devant le Père Marie, l'huissier, sans le saluer ni décocher l'une de ses interjections amicales que l'homme recueillait toujours comme une marque précieuse de familiarité. Il se retrouva dans le bureau de permanence. Bourdeau feuilleta la main courante, puis, après avoir fixé Nicolas dans les yeux, frappa avec violence le bois de la vieille table de chêne.
    — Maintenant, cela suffit, vous devez vous reprendre. Jamais je ne vous ai vu dans cet état, et pourtant nous en avons vécu de belles ensemble ! Blessé, assommé,

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