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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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un pauvre sourire.
    — De peur que je m'échappe, sans doute ?
    La mine ravagée de l'inspecteur lui fit tant de peine que, se levant, il se jeta dans ses bras.
    — Pardonnez-moi, Pierre, je ne voulais pas dire cela, mais je suis à bout.
    — Allons, mes enfants, dit Noblecourt, ne nous attendrissons pas. Que Nicolas se prépare. Promettez-moi de venir dès votre retour tout me confier.
    Il se retira, s'appuyant sur le bras de Bourdeau. Nicolas s'efforça de prendre son temps, soucieux d'apparaître sous son meilleur jour aux yeux d'un chef dont l'œil sarcastique avait coutume de déceler l'état du moral par la bienséance de la tenue. Toute négligence dans l'apparence assombrissait le magistrat et lui faisait soupçonner les plus extrêmes relâchements. Il prit garde de ne se point couper en se rasant, revêtit un habit noir, récente création de son tailleur, enroula autour de son cou une cravate de dentelle immaculée et, après l'avoir longuement peignée, noua la queue de sa chevelure, où commençaient à briller les fils blancs de la maturité, d'un ruban de velours sombre. Il ne portait la perruque qu'à la Cour ou dans les occasions solennelles de sa fonction, quand il était revêtu de la robe de magistrat de police. Après un dernier coup d'œil à son miroir, qui lui fit oublier le sérieux de la situation tant la poussée de la fièvre subie avait rajeuni son visage, il descendit le petit escalier, et c'est la vue de Bourdeau et de Semacgus l'attendant sous le porche qui le ramena à la réalité. Le chirurgien de marine s'approcha de lui.
    — Souvenez-vous, Nicolas, que vous pouvez tout me demander, lui dit-il. Je n'oublie pas à qui je suis redevable naguère de la liberté et de l'innocence reconnue.
    Nicolas lui serra la main avec force et monta dans le fiacre à la suite de l'inspecteur. Il se renfonça dans une rumination morose. Soudain, la gracieuse silhouette de Julie s'imposa à lui. Il en eut le souffle coupé, éprouva une sorte de vertige et se replia sur lui-même, tandis qu'un sanglot le secouait. Incapable de maîtriser son imagination, il dut subir les images terribles d'un corps jeté sur la pierre de la basse geôle soumis aux outrages des praticiens et du bourreau chargés de pratiquer l'ouverture que la situation exigeait ; ce corps dont il éprouvait encore la suave douceur... Bourdeau, gêné, toussa. La ville, qu'il aimait tant, défilait avec ses maisons et ses foules comme un décor peint aux couleurs passées, sans vie ni gaieté. Ils n'échangèrent aucune parole. La voiture rejoignit bientôt la rue Neuve-Saint-Augustin. Ils croisèrent en haut des marches de l'hôtel de Gramont les visages connus des confrères du bureau de sûreté et des laquais qui s'inclinaient devant eux avec une déférence familière. Le vieux maître d'hôtel sourit en voyant Nicolas.
    — Ne vous étonnez pas du changement d'habitudes, mais M. de Sartine est revenu de Versailles à midi.
    Comme Bourdeau allait s'asseoir sur une banquette, le serviteur lui indiqua que sa présence était également requise.

    Quand ils pénétrèrent dans le vaste bureau du lieutenant général de police, un spectacle inattendu les accueillit. Une assemblée silencieuse de perruques, serrées les unes contre les autres comme des soldats à la parade, peuplait la table. M. de Sartine, absent de sa demeure en raison d'une nuit passée au château, avait manqué son rendez-vous matinal avec sa chère collection. Et comme il ne pouvait supporter la moindre interruption dans les manifestations de son innocente manie, il avait passé la revue habituelle à une heure différée. C'était ce qu'avait voulu dire le portier. Nicolas, que le spectacle eût amusé en d'autres temps, s'inquiéta plutôt de ne point voir son chef quand, soudain, l'une des perruques s'agita et le visage aigu de M. de Sartine surgit au milieu de ses créatures inanimées.
    Son expression surprit au plus haut point le commissaire, habitué depuis des lustres à toute la gamme, répertoriée suivant les circonstances, des apparences et des mimiques. Il s'était attendu à la mine irritée et impatiente qui prévalait chaque fois que le chef s'apprêtait à marquer son mécontentement à un subordonné, mais M. de Sartine le considérait avec affection et le visage détendu. Pour un peu l'expression du lieutenant général de police lui serait apparue paternelle.
    — Suivant vous, Nicolas – l'usage du prénom était lui aussi

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