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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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pour entendre les derniers mots de son chef, mais il pensa deviner : « Et moi aussi. » Peu importait que cela ait été vraiment dit, il le crut et cela le remplit d'une joie fiévreuse, tant il tenait à l'estime de cet homme.

    Lundi 10 janvier 1774
    Sans l'inconvénient de rouler dans un carrosse du roi, la satisfaction de Nicolas eût été entière lors de son retour à Paris la veille au soir. Mais les mauvaises habitudes continuaient à prévaloir à la Cour et les usagers privilégiés de ces véhicules officiels n'hésitaient jamais à soulager leur vessie dans la caisse et à souiller les velours des capitons. C'est donc baignant dans une odeur pénétrante de pissat que Nicolas, toutes glaces baissées, parcourut les quelques lieues qui séparaient Versailles de la rue Montmartre. Il s'efforçait de ne pas réfléchir à l'avenir qui l'attendait, mais une jubilation presque sauvage l'agitait à la perspective de la mission qu'on lui avait confiée. Comme un cheval lâché au champ s'ébroue et caracole, son esprit vagabondait déjà au-delà de la mer. Ce sentiment l'accompagna jusqu'à l'hôtel de Noblecourt où il arriva, transi de froid, le cœur battant et l'estomac vide. Son dernier repas lui semblait un souvenir d'enfance. Il inspecta l'office et finit par trouver un plat de terre contenant un ragoût de porc dont la sauce, sous le gras figé, était prise en gelée. Après s'être coupé de longues tranches de pain, il les tartina du gras après y avoir coulé quelques grains de gros sel. Il attaqua ensuite la viande dans son enveloppe tremblante et ambrée. Le reste d'une bouteille de cidre arrosa ce festin impromptu qu'il acheva de quelques cuillerées de gelée de coings de la dernière récolte.
    Un peu plus tard, il avait préparé son portemanteau, y rangeant un habit de rechange, deux chemises, des culottes, deux paires de bas, une paire de souliers à boucle, une traduction portative des Métamorphoses d'Ovide, un flacon d'élixir de l'eau des Carmes, souvenir du Père Grégoire, et son pistolet miniature destiné à être fixé dans l'aile du chapeau, présent utile de Bourdeau. Il nettoya son épée et graissa avec soin ses bottes. Enfin, il brossa son habit noir de bonne laine et sa cape de voyage. Il ajouta une paire de gants et posa le tout sur une chaise. Il n'oublia pas de repasser son rasoir afin d'éviter de s'embarrasser du cuir et qu'il accompagna d'un savon de réserve, de crainte de n'en pas trouver en chemin. Puis il récita ses prières d'enfant et, s'efforçant de ne pas songer, s'endormit.
    Le départ s'effectua sans excès de sensibilité. Il prétendit partir en province pour une dizaine de jours. M. de Noblecourt ne paraissait pas dupe. Nicolas s'engouffra dans le demi-fortune annoncé, et le cheval fouetté prit le petit trot. Dans le quartier du Palais-Royal, il constata que des manœuvres subtiles s'organisaient autour de lui et que d'autres voitures l'environnaient. Les visages des conducteurs ne lui étaient pas inconnus. Il s'agissait de ceux, familiers, de mouches, d'exempts et d'autres recors de la haute police, toutes créatures affidées du lieutenant général.
    Il semblait que toute l'armée policière se fût donné rendez-vous dans ces rues étroites et animées afin de créer de toutes pièces un carrousel désordonné. Une lourde voiture au vernis vert sombre à liserés d'or s'arrêta tout contre le frêle véhicule de Nicolas. Une silhouette fugitive se glissa de la portière à peine entrouverte et sauta légèrement sur le sol. Elle fit signe à Nicolas d'ouvrir. Il prit son portemanteau et s'insinua à l'extérieur, non sans peine tant la proximité des deux caisses gênait les mouvements. À terre, il reconnut Rabouine vêtu comme lui à s'y méprendre. Il songea que cela devenait une habitude. Il s'enfonça dans la berline. Les rideaux des glaces étaient à moitié tirés. Il trouva en évidence sur la banquette une lettre cachetée du sceau aux trois sardines de M. de Sartine, sur laquelle il était précisé que « M. Le Floch devait prendre connaissance du contenu, s'en pénétrer et détruire l'ensemble par le feu à la première occasion ». Il plaça le document sur sa poitrine, entre chemise et habit, se réservant de le lire dès qu'il aurait franchi les limites de la ville.
    Comme par miracle, et sur l'injonction d'un maître de ballet invisible, le désordre prit fin ; la voie, désormais, était libre et le cocher agita son

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