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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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fouet avant d'en faire claquer la mèche sur la croupe de quatre robustes chevaux.

    Les barrières furent franchies sans encombre, le postillon étant pourvu de laissez-passer et de lettres de courrier. Passé les faubourgs, Nicolas rompit les scellés du pli. Il contenait plusieurs mémoires, l'un sur la situation générale du royaume britannique et l'autre sur la position particulière du cabinet anglais face à la politique personnelle du roi George III. On évoquait avec insistance les difficultés des Anglais aux Indes et l'inconduite des directeurs corrompus de la Compagnie. Il découvrit aussi les affaires d'Amérique et l'irritation des habitants des colonies, notamment ceux du Massachusetts dont la justice serait à nouveau soumise aux tribunaux de la métropole et le commerce chargé des restrictions les plus tyranniques. Cette effervescence n'allait pas sans secousses au Parlement et portait aux premiers rangs de la phalange anti-ministérielle un brillant nouveau venu, Charles Fox. Le cabinet estimait que la charte des colonies n'était pas si sacrée qu'elle empêchât l'Angleterre de faire de nouveaux règlements pour arrêter la faction. Suivaient quelques autres portraits et notes sur les Français de Londres. Nicolas fit arrêter la voiture près d'un terrain vague, se dégourdit un peu les jambes, battit le briquet et enflamma les papiers qu'il abandonna quand ils ne furent plus qu'un amas de cendres noires que le vent d'hiver dispersait.
    Il découvrit d'autres papiers attachés à la paroi avec du pain à cacheter. L'un énumérait les différents relais postes de l'itinéraire de Paris à Calais. Des faubourgs de Paris, il prendrait la direction d'Amiens par Saint-Denis, Écouen, Luzarches, Chantilly, Clermont, Saint-Just, Wavigny, Flers, Breteuil et Hébécourt. De la capitale picarde, il gagnerait ensuite Calais par Pecquigny, Flixecourt, Ailly-le-Haut-Clocher, Abbeville, Nouvion, Bernay, Nampont, Montreuil-sur-Mer, Cormont, Boulogne, Marquise et Hautbuisson. En terme de coût, cela impliquait qu'il aurait à régler quarante-neuf postes. Il calcula mentalement que cette mission par berline de poste particulière attelée à quatre chevaux reviendrait à la caisse des dépenses de la lieutenance de police à près de neuf cent quatre-vingts livres, soit vingt livres par poste, c'est-à-dire, remarqua-t-il avec amusement, l'équivalent d'une centaine de poulets achetés au rôtisseur ou de trois robes de mariée de bonne coupe. Cette dernière précision venait d'une remarque récente de M e  Vachon, son tailleur. Un petit prospectus indiquait aussi que les Anglais n'acceptaient pas l'argent français et qu'il lui faudrait donc, dès son arrivée à Douvres, changer ses pièces d'or, que le cours actuel fixait qu'un louis valait une guinée, et que celle-ci comptait vingt et un shillings. Mais il disposait déjà d'une somme non négligeable en pièces anglaises.
    Son pied heurta un objet qui sonna sous le choc. Il se baissa pour découvrir un pot de chambre à couvercle en porcelaine blanche à fleurettes, dont l'intérieur était tapissé d'herbes sèches odoriférantes. Il en conclut qu'on souhaitait, par cette attention délicate, lui signifier de ne pas traîner en chemin, l'utilisation des glaces baissées étant encore le meilleur moyen de se débarrasser en voyage rapide du trop-plein des récipients. Il soupçonna dans cette disposition le goût des farces de collège qui transparaissait quelquefois chez M. de Sartine. À cet objet utilitaire était jointe une petite chaufferette de métal et de bois emplie de braises encore chaudes. Il apprécia l'attention et la glissa sous la couverture de voyage où elle commença à rayonner une douce chaleur.
    Le balancement de la voiture le plongea insensiblement dans une torpeur proche de l'assoupissement. Ce demi-sommeil n'interrompait pas une réflexion par laquelle son esprit fatigué revenait inlassablement sur les étapes du drame vécu depuis la mort de Mme de Lastérieux et sur les développements qui l'avaient conduit à s'engager dans cette mission inattendue. Une souffrance revenait lancinante ; ce n'était pas tellement d'avoir appris que Julie le trompait, mais plutôt l'incertitude où le plaçait cette révélation sur la sincérité d'une liaison dont il éprouvait désormais le regret. Il cherchait avec désespoir ce qui avait pu advenir qui expliquât de manière acceptable la trahison. À d'autres moments, il revoyait le

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