L'amour à Versailles
XV se laisse faire, avec volupté, prend des maîtresses un peu partout, un peu tout le temps, avec le désordre qui le caractérise. Il respecte toutefois quelques valeurs, témoignant par exemple d’un louable esprit de famille, puisqu’il prend pour maîtresse, à quelques mois d’intervalle, les trois soeurs Mailly-Nesle, Louise-Julie, Pauline-Félicité et Marie-Anne.
La Cour ne tarde pas à le rejoindre à Versailles. Elle n’est pas sitôt installée que des scandales éclatent. La nuit du 6 août 1722, ou plutôt le lendemain, le château retentit d’une terrible rumeur. « La chose est trop horrible pour que je l’écrive », commente la princesse Palatine. Elle est surtout fort drôle : un des commensaux du roi, M. de Rambures, marié depuis à peine un an, attire dansles jardins le marquis d’Alincourt et le petit Boufflers qui n’a pas dix-sept ans, et des lèvres et des joues vermeilles. Le jeune marié, ému par le musc et la beauté des bois, louche sur le mignon, choqué de telles avances. A ce moment Alincourt saisit l’occasion et lui propose de toucher un bois encore bien vert. Mais Rambures en tient pour la jeunesse et Alincourt a déjà quarante ans, un vieillard. Ils se chamaillent, le ton monte, ils rangent les instruments et sortent les épées. Arrive un quatrième marquis, opportun, et répondant au surnom peu banal de « Braquemardus ». Il leur fait la leçon en faisant réciter aux marquis « Certamen amabit », et bien plus. Les trois hommes, ravis d’avoir élargi leur culture, reviennent au palais, pas pour longtemps. A Louis XV qui s’inquiète de leur absence, un courtisan complice répond que les marquis ont été surpris en train de « briser des palissades ».
Louis XV est déjà bien déniaisé et ne se laisse pas berner : il chasse Alincourt et Boufflers de Versailles, l’un à Joigny, l’autre en Picardie et fait embastiller Rambures. L'histoire ne raconte pas si la justice du jeune roi fut rendue par souci de morale ou par dépit de ne pas avoir été convié à la partie. Je crois pour ma part que Louis XV n’a pas tous les jours l’occasion de faire montre de vertu et qu’en punissant les nobles, il satisfaisait l’Église à peu de prix. Je crois aussi l’homme suffisammentcapricieux pour avoir exilé les coupables uniquement parce qu’ils lui avaient caché l’affaire. Voilà qui n’est pas d’une grande probité, mais Louis XV n’en a que faire : quoi qu’il décide, on l’aime. Quelques années plus tard, en 1744, il tombe subitement malade pendant un office religieux à Metz. A l’annonce de sa guérison, la foule l’acclame et l’adoube du surnom de « bien-aimé ». Le nouveau souverain bénéficie de la magie des commencements, le fameux « état de grâce » qui nimbe tous les changements de règne. Mais pour Louis XV, il y a plus : outre son rang et son prestige, il est un très bel homme, et jeune. On admire ses cheveux dorés, sa taille souple et ses yeux rieurs : il a la beauté de la jeunesse et, entre la fin du règne de Louis XIV et la Régence, il y avait beau temps que l’ingénuité avait quitté les cercles du pouvoir. La foule, la Cour, tous l’ont vu à cinq ans, à la mort de Louis XIV, et dès lors l’ont adopté, comme on adopte un orphelin. La fin du règne de Louis XIV fut une telle hécatombe dans la famille royale que Louis XV, dont la santé était fragile, est quasiment un « enfant du miracle ». Le petit a grandi et tout le monde se rappelle quel joli bambin il a été. Pour moi, c’est un peu le petit dernier, le préféré, celui à qui on trouve toujours une excuse, qui est couvert de présents et d’indulgence alors que ses prédécesseurs n’ont rien eu, notamment le Régent.Quand Philippe d’Orléans prend une mauvaise décision, c’est un désastre, Louis XV fait-il de même, c’est une erreur ; quand le régent donne une soirée, c’est la débauche, avec Louis XV, c’est une fête. L'un se vautre dans la pornographie la plus graveleuse, l’autre est un esthète de l’érotisme. S'ils ont tous les deux des boutons, Louis XV passe pour avoir une allergie, Philippe d’Orléans la vérole. Au jeune roi on pardonne tout, ses frasques, ses orgies, sa cruauté… pour un temps.
Chapitre 12
Conte érotique
Versailles a abrité bien des histoires d’amour, de passion, d’érotisme et même de pornographie. Avec Mme de Pompadour il donne lieu à un conte de fées. Jeanne Antoinette Poisson naît
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