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L'Amour Courtois

L'Amour Courtois

Titel: L'Amour Courtois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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rapport élimine complètement
le viol ou toute forme de violence, verbale, morale ou sociale qui se substitue
souvent au viol effectif, mais dans sa reconnaissance de la supériorité de la
femme, le chevalier-amant enrichit considérablement son champ d’action : la
femme devient initiatrice, et, en n’outrepassant pas le désir de son amante, il
ne châtre pas son propre désir, il en fait le propre désir de l’autre dans une
unité et une harmonie parfaite où il n’y a ni agresseur, ni agressé, ni
vainqueur, ni vaincu, mais naissance d’un autre être, double et pourtant unique,
multiple et pourtant simple.
    Il reste à savoir de quelle nature sont les plaisirs de l’amour
ainsi codifiés dans ce précepte. En prenant appui sur les formulations quelque peu
stéréotypées des troubadours et en se référant à la soi-disant morale
chrétienne de l’époque, les médiévistes ont tous insisté sur l’aspect
spiritualiste de l’amour courtois, niant la réalité physique de cet amour et
faisant appel à un certain platonisme revu et corrigé par la scolastique. Pour
ces médiévistes, les plaisirs de l’amour ne peuvent être qu’intellectuels ou
spirituels et se confondent avec un grand élan mystique vers le parfait et l’absolu.
C’est une vue un peu tronquée de la pensée médiévale qui, avant de sombrer dans
l’ascétisme tragique des XIV e et XV e  siècles, a su exprimer la spiritualité en
termes charnels aussi bien que le charnel en termes spirituels. Depuis René
Nelli qui, par une analyse rigoureuse devant beaucoup aux principes cathares (la
matière est nécessairement mauvaise et tout désir, même spiritualisé, a rapport
avec la matière, donc il n’y a pas de différence entre le péché de chair par
intention et le péché de chair par action réelle), a ouvert la voie vers une
nouvelle interprétation, il convient d’être beaucoup moins péremptoire. L’amour
courtois est un tout où la matière et l’esprit sont indissolublement liés. Cela
devient une question de tempérament : il y a des hommes et des femmes qui
sont chastes, et d’autres qui ne le sont pas. C’est tout. Et chacun a le libre
choix de conduire sa vie, le choix d’aimer spirituellement ou matériellement, ou
bien encore d’opérer la synthèse entre deux façons d’aimer qui ne sont que les
deux aspects d’une même réalité.
    Il est bien évident que la « princesse lointaine »
que chante Jaufré Rudel n’est qu’un personnage imaginaire. « Je ne sais
pas quand je la verrai, dit-il, car nos pays sont trop lointains. » Mais
il ajoute : « Jamais je n’aurai plaisir d’amour si je ne jouis de cet
amour lointain, car je ne connais nulle part, ni voisine ni lointaine, femme
qui soit plus gente et meilleure. » Mais Cercamon demande à Dieu le
contact physique avec son amie, « qu’il me permette de la toucher encore ».
Arnaud Daniel, lui, se plaît dans une contemplation bien physique :
« Je contemple sa chevelure blonde, son corps alerte, délicat et nouveau.
» Et il souhaite nettement aller plus loin : « Puisse-t-elle, de
corps, non d’âme, me recevoir en secret dans sa chambre ! » Il est
vrai que d’autres troubadours sont plus explicites et plus directs, tel Raimon
de Durfort : « Il n’est pas de noble dame au monde, si elle me
montrait son “cor” et son con, tout comme ils sont au naturel – en me disant :
sire Raimon, cornez -moi donc ici dans le
derrière –, que je n’y penchasse mon visage et mon front, comme si je voulais
boire à une fontaine ! » Mais on aurait tort de voir dans cette
franchise une sorte de jeu pornographique. Il semble au contraire que la
plupart des troubadours, tout en pratiquant l’amour physique avec leur dame – ou
des substituts de celle-ci – aient tous sublimé cet amour. Voici ce que dit à
ce sujet Raimon Rigaut : « Jamais par amour du con, je n’ai demandé
son amour à ma dame, mais bien pour la fraîcheur de son teint et le sourire de
sa bouche. Car pour ce qui est des cons, j’en trouverais assez auprès de bien
des femmes, si je leur demandais. C’est pourquoi je préfère la bouche que je
baise souvent au conin qui tue le désir. »
    Tout est là en effet : c’est l’exaltation du désir qui
motive l’action et donne sa puissance à l’amant. Et ainsi se justifie la pudeur
qui est demandée quels que soient les rapports amoureux entre la dame et son
chevalier-prêtre. Il s’agit d’un rituel,

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