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L'Amour Courtois

L'Amour Courtois

Titel: L'Amour Courtois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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avoir d’abord, dans le palais d’Arthur,
prouvé en combattant que la dame que vous aimez est plus belle que celles qui
demeurent à la cour d’Arthur. Et vous ne pourrez entrer dans le palais sans que
les gardiens vous indiquent d’abord le gant de l’épervier. Mais il ne vous sera
pas possible d’obtenir le gant lui-même sans avoir au préalable remporté la
victoire seul contre deux chevaliers très vaillants. »
    Il y a quelque chose d’équivalent dans l’Érec et Énide de
Chrétien de Troyes, à savoir que celui qui rapportera la tête du Blanc Cerf
aura le droit d’embrasser la plus belle fille de la cour d’Arthur – et
accessoirement de l’épouser. « L’élection de la plus belle jeune fille de
la cour d’Arthur, dit Charles Méla, […] engage l’honneur des chevaliers
arthuriens ; elle les rappelle à l’obligation d’ égaler
leur vaillance à leur amour . » Donc l’épreuve demandée au héros est
absolument conforme à la règle fondamentale de l’amour courtois : on ne
peut pas aimer quelqu’un qui soit indigne. Et « la coutume du Blanc Cerf, celle
de l’épervier parlent le même langage : elles satisfont à la condition que
la fée, en terre aventureuse, met à son offre d’amour [18]  ».
Car, en définitive, la dame à laquelle obéit le héros, et qui se dédouble sous
l’aspect de la jeune fille rencontrée dans la forêt, est une fée , c’est-à-dire l’image de la femme divine, d’une
véritable déesse à laquelle on doit consacrer son temps et son action.
    Avant sa rencontre avec la jeune fille, le chevalier
connaissait le sens de sa mission. À présent, il
en connaît la sénéfiance , terme médiéval assez
intraduisible, mais qu’il vaudrait mieux transcrire par signifiance que par « signification ». Pour
reprendre une terminologie empruntée à Mallarmé et que développe Charles Méla,
« dans le traitement littéraire de la signification, les signes sont
dessaisis de leur signification propre, occupent, dirions-nous par métaphore
nécessaire, le devant de la scène, pour y jouer un rôle qui ne soit plus de
simple figuration [19]  ». Nous sommes dans
le cadre d’un récit littéraire, même si le schéma est emprunté à une tradition
orale très ancienne. Et nous ne voyons plus le héros en dehors de ce contexte
littéraire. C’est bien là où voulait nous emmener l’auteur : nous faire comprendre
que les signes que chacun rencontre dans les chemins de la vie sont des pièges
qu’il convient de débusquer le plus vite possible. Le lecteur d’un texte comme
celui du De Arte amandi (mais il en est de
même pour tout texte de récit arthurien) ne cherche que le sens des aventures du héros. Or le héros, tel qu’il
est décrit, ne cherche que des signes qui l’aideront
à parvenir à son but . La différence est de taille. Encore faut-il
préciser que les lecteurs d’André Le Chapelain, comme tous les gens du Moyen
Âge, ne cherchaient pas un sens à cette
histoire, mais seulement des signes pour
opérer eux-mêmes leur cheminement. C’est bien pour cette raison que le texte d’André
Le Chapelain est avant tout initiatique. La logique critique de notre siècle
pervertit le message en le rationalisant, ce que les gens du Moyen Âge n’avaient
nullement besoin de faire. À ce compte, le jeu littéraire se nourrit et s’enrichit
d’éléments nouveaux, en apparence absurdes et pourtant convaincants sur le plan
de la kabbale phonétique ou sur le plan des « correspondances » dont
parlait Baudelaire, bien avant que Jacques Lacan en fasse le nouvel évangile de
la psychologie des profondeurs. À ce moment, « le Cygne se promeut Signe
pour le regard qui sait le capter mais qui n’en
reste pas moins, indissociablement, leurré, car le Signe ne s’exalte que dans
le destin glacé du Cygne » [20] . Autant de métaphores
que de signes. Et la jeune fille de grande beauté qui apparaît au héros est à
la fois un cygne et un signe , mais aussi une dispensatrice de signes éparpillés sur le difficile et sinueux chemin
que trace le cygne sur les eaux dormantes d’un étang. Le mystère subsiste par l’ambiguïté.
    Cette ambiguïté, le héros la ressent parfaitement :
« Je vois, dit-il, que je ne pourrai pas réussir dans cette entreprise si
vous ne m’accordez pas votre concours. » C’est un appel au secours à cette
jeune fille surgie de nulle part et de partout, à ce cygne ,
symbole de beauté et de

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