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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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avait eu sous les yeux, dans sa famille, l’exemple de l’ordre, de l’économie ; plus tard, ses débuts dans le métier de son père et de tous les siens lui avaient confirmé la nécessité de ces deux règles, enseigné l’exactitude envers tous, la fidélité à une parole. Voilà qu’il découvrait dans le gouvernement des affaires publiques partout l’anarchie, le gaspillage, l’arbitraire, la mauvaise foi, l’injustice. Un sentiment de révolte s’était levé en lui contre ce gouvernement, ses ministres, les gens de Versailles, tous les privilégiés qui, pour conserver leur opulence, leur domination sur le tiers état populaire et bourgeois, prétendaient maintenir un régime qui entraînait tout le monde à la catastrophe. Mounier avait raison : la racine du mal se trouvait dans cette Cour égoïste. Il paraissait inconcevable qu’un peuple travailleur supportât la tyrannie d’un essaim de frelons.
    « Votre raisonnement, mon cher Mounier, a de la justesse, venait de dire M. de Reilhac. Il y faudrait cependant quelques nuances, ajouta-t-il. Les rôles ne sont pas si tranchés ni les positions si simples. Par exemple, M. de Calonne, contre qui l’on a tant crié il y a trois ans, était un courtisan ; néanmoins, son système : abolition des privilèges, égale répartition de l’impôt, établissement d’assemblées provinciales, répondait à ce que nous souhaitons. S’il eût été appliqué alors, toute la fermentation qui agite aujourd’hui le royaume n’existerait pas.
    — Mon cher monsieur, observa M. Dupré en poussant son fauteuil pour fuir le soleil dont les rayons plus bas se glissaient sous les ramures du chêne, mon cher monsieur, celle de ces assemblées qui s’est tenue ici, en Limousin, n’a pas donné grand résultat, il me semble.
    — Oh ! si, répondit Claude avec un sourire. Elle en a eu au moins un, auquel on ne s’attendait point : elle nous a fait concevoir ce que nous désirons. Aujourd’hui, les réformes proposées par Calonne ne nous suffiraient plus.
    — Pour ma part, avança doucement Jean-Baptiste prêt à dire qu’il s’en contenterait fort, je…»
    M me  Naurissane ne le laissa point achever. Entrant, résolue et sarcastique, dans la conversation :
    « Que vous faut-il alors, monsieur ? lança-t-elle à Mounier. Un ministère du tiers état ? Je vous trouve plaisant de nous parler de Versailles comme si vous aviez une oreille à l’Œil-de-Bœuf et une autre au Conseil ! Que savez-vous, en réalité, de tout cela ? M. de Reilhac dit vrai : les choses ne sont pas si rudimentaires. Votre tiers ordre me semble contenir en son sein des gens non moins égoïstes que les courtisans – et bien plus hypocrites. Avec un air tout dévoué au bien public, ils cherchent à tirer parti des circonstances pour se pousser du col, beaucoup plus qu’à remédier aux maux de l’État, dont ils ont la bouche pleine. Je ne serais pas surprise qu’ils souhaitassent d’envenimer ces maux, pour en tirer parti, » articula-t-elle avec, à son tour, un sourire moitié dédaigneux, moitié menaçant.
    Comme Mounier ne répondait que par une inclination de la tête, elle reprit, le menton haut :
    « La Cour n’est pas pire que le reste du monde ; si elle compte des Polignac insatiables, elle a aussi ses La Rochefoucaud dont nul n’ignore le libéralisme, l’honnêteté, les lumières. M. de La Fayette, est-ce selon vous par obscurantisme qu’il est allé combattre en Amérique ?
    — Assurément non, madame. Vous avez tout à fait raison : il y a partout des gens de cœur comme des gens sans scrupules. Et,ajouta-t-il doucement en la regardant bienen face, il n’est pas facile, même pour une femme éclairée, sensible, certainement bonne, de ne pas céder à un parti pris quand elle juge des caractères. »
    Un bref instant, Thérèse parut déconcertée, puis un éclair audacieux brilla entre ses cils.
    « Eh bien, monsieur, il ne vous reste qu’à nous dire de quelle femme vous parlez.
    — Mais de la Reine, évidemment, madame, répondit-il avec l’expression de la plus complète candeur. De la Reine qui aime trop les courtisans et nous déteste parce qu’elle juge mal à la fois d’eux comme de nous. Si peu sûres, bien entendu, que soient mes informations, je crois savoir qu’elle tient le tiers état pour un ramassis de coquins. Je peux me hasarder à vous garantir le mot. Il n’est ni aimable ni juste, vous

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