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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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très malheureuse, si Thérèse le savait ! Alors elle aurait une raison, toutes les raisons !…
    L’idée qu’il s’était menti à lui-même en accusant Lise le saisit. En vérité, ne s’était-il pas pris de fureur contre elle parce qu’il se savait impuissant à la tirer avec lui de l’affreuse impasse où ils se trouvaient ? Il avait voulu se convaincre qu’elle le trahissait, quand elle l’aimait toujours, malgré elle. Mais il s’était montré si lâche, si odieux, que Lise devait à bon droit le mépriser. La honte, le remords le retenaient de se tourner vers elle. Enfin, il chercha anxieusement son regard. Ils avaient l’habitude de se parler ici avec les yeux. Il mit toute une imploration dans l’appel qu’il lança vers la jeune fille par-dessus l’épaule de M me  Naurissane. Lise le perçut. Elle conversait à mi-voix avec M lle  de Reilhac qui était venue s’accouder à son fauteuil, ou plutôt elle relançait par moments, d’une réponse banale, le babil de l’enfant. Elle regarda Bernard, comme il le désirait. Elle ne pouvait pas ne point entendre ce qu’il voulait lui dire. Cependant ses yeux ne s’animèrent pas, elle les baissa bientôt.
    Parbleu ! Qu’espérait-il après l’avoir cruellement insultée ? Que devait-elle attendre d’un garçon auquel il lui avait fallu dire : « Je ne vous aurais pas cru méchant. » Quelle confiance pouvait-elle mettre en lui ? Si, à cette heure, un miracle eût pu, matériellement, les rendre l’un à l’autre, pourquoi l’eût-elle souhaité ?…
    La discussion continuait autour de la table à jeu. M. Dupré, tapotant sa tabatière, parlait en ce moment du Roi.
    « On peut faire fond sur lui, assurait-il avec conviction. Nous connaissons tous son honnêteté. Quand il a dit : « M. Turgot et moi sommes seuls à aimer le peuple », c’était vrai.
    — Sans doute, concéda Claude, mais sait-il seulement ce qu’est le peuple ? Et puis sa femme le mène comme elle veut, et le dupe de honteuse façon. »
    Thérèse réagit de nouveau.
    « Permettez-nous de n’en rien croire, répliqua-t-elle vertement. Vous avez de mauvaises lectures, monsieur. Vos idées sur Marie-Antoinette sortent tout droit, on le voit trop, de ces libelles injurieux et obscènes qui se délectent à la peindre comme une nouvelle Messaline. Il n’y a pas de monstruosité dont ils ne la chargent. Si cela se pouvait, ils inventeraient des vices pour les lui prêter ! Laissez-moi vous le dire, poursuivit-elle avec un regard nacré de mépris, il faudrait avoir en soi-même quelque chose de bien vil pour accorder la moindre complaisance à ces imputations.
    — Madame, dit Claude en souriant, cette indignation vous honore. Je préférerais de tout cœur, je vous l’assure, vos renseignements aux miens. Ceux-ci sortent en effet de ces libelles infâmes. Je n’aurais pas cru que des dames pussent en avoir connaissance. Pourquoi pas, en somme ! Je consens qu’une femme ait des clartés de tout, n’est-il pas vrai ? Quant à la Reine, Rohan, ce bon cardinal, a estimé qu’avec un collier de diamants il pouvait obtenir ses faveurs, ne l’oublions pas.
    — Sa faveur, monsieur ! Employer ici le pluriel, c’est une calomnie. »
    M. Dupré faisait avec mécontentement claquer le couvercle de sa tabatière, car le ton de Thérèse montait trop. Elle cherchait un esclandre, c’était visible. Cela devenait gênant pour tout le monde. M me  de Reilhac, qui, aidée mécaniquement par Lise, servait des boissons fraîches à la réglisse apportées par une servante, saisit avec adresse le dé de la conversation. Si, dans le ménage royal comme dans tant d’autres, déclara-t-elle, l’épouse pouvait parfois porter la culotte, la Reine cependant ne présiderait pas les États.
    « Le Roi, enchaîna M. de Reilhac, a montré en toute occasion son goût du bonheur public, si les cabales des uns ou la sottise des autres l’ont toujours empêché de le réaliser. Il peut trouver auprès des représentants de son peuple l’appui que nul jusqu’à présent n’a pu ou voulu lui fournir. Voilà notre chance, messieurs, car nous, de notre côté, nous ne pouvons compter que sur lui.
    — Croyez-vous, monsieur, dit Jean-Baptiste Montégut, qu’il prendra notre parti contre sa Cour, contre la Reine ? – dont je ne mets point en doute la vertu, précisa-t-il à l’adresse de M me  Naurissane, mais dont nous n’avons assurément pas la

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