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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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à la fraction du clergé qui s’était jointe à eux, se proclamèrent, par la bouche de Bailly, régulièrement constitués en assemblée représentative de la majorité nationale. Quel titre allaient-ils prendre ? Un débat s’engagea aussitôt sur ce point. Mirabeau proposait : Assemblée des Représentants du peuple français.
    « Trop long ! Assemblée nationale, dit la voix berrichonne de Legrand, derrière Claude.
    — Assemblée de la nation française, lança de toute sa force celui-ci, électrisé et voulant surpasser le « comte plébéien ».
    — Tu vas un peu loin, protesta Montaudon, nous ne représentons pas la nation entière. »
    Mais Sieyès, monté sur l’estrade : « Le seul titre qui nous convienne est celui d’Assemblée nationale.
    — Bravo !… Très bien !… Non, non !… C’est faux !… criait-on de tous côtés. Assemblée du peuple, rien de plus. »
    Les tribunes participaient violemment au tumulte, applaudissant et conspuant à la fois. Bailly leva la séance après avoir annoncé que le vote était remis au lendemain. Ce jour-là vit triompher la froide logique de Sieyès. Il démontra qu’ils représentaient quatre-vingt-seize pour cent de la population française. Ils étaient donc seuls qualifiés pour parler au nom de celle-ci. Leurs pouvoirs à eux seuls ayant été publiquement vérifiés, ils pouvaient seuls délibérer de façon légitime. Son argumentation rallia tous les hésitants, le titre d’Assemblée nationale fut voté par quatre cent deux voix. Aussitôt l’Assemblée, se considérant comme souveraine, prit deux décrets. Par le premier, elle déclarait illégale toute levée d’impôts qu’elle n’aurait pas préalablement consentie. Le second, s’opposant à toute banqueroute, plaçait les créanciers de l’État sous la sauvegarde de la nation.
    Entre deux haies de curieux en liesse, Claude sortit, quelque peu enivré, avec Robespierre toujours impassible et Montaudon qui hochait la tête.
    « Tout cela est bel et bon, dit-il, mais trop brutal. Les choses ne marcheront pas de la sorte.
    — Quoi ! Je ne te reconnais plus, René. Tu recules ?
    — Je trouve que l’on a procédé maladroitement. Tout d’un coup, nous nous jetons sur le Roi, nous lui ravissons sa souveraineté. Si bon homme soit-il, il ne peut pas nous l’abandonner comme ça. La Reine et la Cour vont avoir beau jeu pour l’exciter contre nous après ce coup-là. Notre séance d’aujourd’hui, c’est une provocation. Gare à la riposte ! »
    Louis Naurissane, M. de Reilhac partageaient cet avis, d’une façon plus caractérisée encore. Ils désiraient l’un et l’autre une monarchie constitutionnelle, comme tous leurs collègues. Ils s’étaient rendus ici avec le ferme espoir de l’établir ; mais, comme les deux cents opposants, ils voulaient qu’elle fût fondée sur le mariage du pouvoir royal et de la volonté populaire. Tous les deux, ils avaient voté contre le titre d’Assemblée nationale, et cependant, à cause de l’urgence, pour les décrets.
    « Tout en regrettant, dit Louis, que ce ne soit pas simplement des vœux.
    — Ce n’est rien d’autre, observa le châtelain de Thias. Malgré l’habile rhétorique de M. l’abbé Sieyès, cette assemblée ne peut prendre valablement aucun décret. Elle ne saurait agir en souveraine ; elle ne l’est pas. Elle représente la majorité de la nation, oui, seulement la quantité ne crée pas le droit, elle fait la force, rien de plus. Le droit naît du consentement unanime, non point simplement majoritaire, car il resterait alors une forme d’oppression : la plus redoutable parce que la plus impersonnelle, la plus aveugle. Nous sommes ici pour rétablir le droit violé, et nous le violons nous-mêmes. On vient d’y substituer la force du nombre. Je frémis en voyant à quelle féroce divinité on élève ici un autel.
    — De plus, dit Louis, il y a quelque chose de profondément choquant à choisir pour cet éclat le moment où le Roi est retenu à l’écart par son deuil. »
    Le malheureux Dauphin venait de mourir. Bien que prévue depuis longtemps, cette perte, très cruelle à la Reine, déchirait aussi le Roi. Fuyant la foule, ils s’étaient retirés à Marly, avec le petit Chou d’Amour et Mousseline.
    « Monsieur, répondit Robespierre à Louis, nul assurément n’est insensible au chagrin de Sa Majesté. Nous partageons tous sa douleur, mais dans les familles où

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