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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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l’on meurt présentement de faim il y a trop de deuils pour que celui-ci nous oblige d’attendre. »
    Et, se tournant vers M. de Reilhac : « Je n’approuve pas non plus, monsieur, la façon dont les choses ont été conduites. Je dis bien : conduites, car on nous mène, cela se sent. Toutefois la nécessité est pressante, il faut agir contre l’anarchie. Pour s’opposer au pire, ne regardons pas trop aux moyens.
    — Oui, s’ils ne se retournent pas contre nous », dit Montaudon.
    Sa crainte parut d’abord injustifiée. L’Assemblée délibérait sans entrave. Le clergé tout entier avait voté la réunion. Dans la noblesse, les partisans de cette réunion menés par les frères Lameth, et d’autre part les opposants – avec le comte de Caylus, le capitaine de cavalerie Cazalès –, semblaient près d’en venir aux mains. En une séance particulièrement orageuse, Caylus avait tiré l’épée. Sur quoi, le duc d’Orléans s’était évanoui. Les Lameth, au club, se disaient sûrs d’emporter le morceau. En attendant, Claude envisageait de nouveau un rapide voyage à Thias. Mais, le samedi matin, comme Montaudon et lui débouchaient dans l’avenue de Paris sous une pluie fine qui blondissait les pavés de silex, ils virent leurs collègues, encadrés par la troupe habituelle des curieux, un peu clairsemée à cause du mauvais temps, en train de piétiner, la tête entre les épaules, devant la rue des Chantiers. Robespierre était là, avec ses trois campagnards qui faisaient le gros dos, serré dans son manteau court, et transi par la bruine, des traînées de poudre dégouttant de ses cheveux.
    « La salle est fermée, répondit-il à la question de Claude. Les tapissiers, prétend-on, y travaillent en vue d’une séance royale qui aura lieu mardi prochain. Prétexte, je pense. La Cour a trouvé ce moyen pour nous priver de siéger. »
    Montaudon triompha tout en maugréant : « On pouvait s’y attendre. Et l’on n’a rien prévu. Que fait-on ici ?
    — Je me le demande bien, » dit un des rustiques, se tamponnant le cou avec un grand mouchoir à carreaux.
    Bailly parlementait avec l’officier commandant un piquet de gardes-françaises en armes devant les portes.
    « Quel sale temps ! pesta Claude. Va-t-on nous tenir là sous cette eau glaciale ! N’existe-t-il donc pas d’autre local ? »
    Il n’était pas seul à perdre patience. Dans le public, qui avait des parapluies, lui, et parmi les représentants, des protestations s’élevaient. Elles devinrent clameurs. Il y eut un mouvement vers la salle. Des commandements retentirent alors, suivis d’un cliquetis. Les soldats croisaient la baïonnette. Des gens se mirent à crier de peur, car, poussés par-derrière, ils approchaient malgré eux des pointes. Sur un signe de l’officier en uniforme bleu, rouge, blanc, les maîtres lancèrent de nouveau des ordres : « Armez… Portez…» Les batteries claquèrent, les crosses montèrent aux épaules. Ce fut une envolée de manteaux noirs, de curieux, de femmes troussant à deux mains leurs jupes pour courir plus vite. Montaudon filait comme un lièvre. Sieyès s’était dissous dans l’air. Bailly, lugubre mais parfaitement courageux, tourna le dos le dernier, et, toujours digne malgré les gouttières déversées par les cornes de son chapeau, rejoignit à petits pas Mirabeau qui mugissait :
    « Nous délibérerons au milieu de la place publique. Nous irons tenir séance sous les fenêtres du Roi.
    — Transportons-nous plutôt à Paris, suggéra Sieyès qui s’était rematérialisé sur la place d’Armes, loin des fusils.
    — Mais non, mais non, disait Bailly. Non, calmez-vous. Pas de violences. »
    Il semblait désemparé. Sensible au courage de leur doyen, apitoyé par son désarroi, Claude réitéra la question qu’il avait adressée à Robespierre : « Enfin, n’existe-t-il donc pas, dans tout Versailles, un local susceptible de nous recevoir ?
    — Si fait ! « répondit derrière lui un député d’une cinquantaine d’années, mince, dans lequel il reconnut le savant professeur Guillotin, célèbre pour avoir, entre autres entreprises notoires, éclairci les mystères du fameux Mesmer. Depuis l’hiver dernier on le connaissait surtout comme organisateur de la pétition pour le doublement du tiers, déposée chez les notaires. Il s’avança vers Bailly et lui proposa d’aller au jeu de paume des Princes, dans le Vieux Versailles. « Je

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