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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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fenêtre. »
    Il n’eut point le loisir d’exécuter sa menace ; un vrai tumulte, cette fois, se produisait dans la cour, où venait d’apparaître un moine blanc avec une écharpe noire. On criait : « Il les a vus ! Écoutez-le, il a vu les brigands ! » Le maire ordonna de le laisser entrer. C’était un Génovéfain retournant de l’abbaye de Lesterpt, en Charente, à Paris. Exténué, poudreux, il dit s’être enfui de Rochechouart où il avait passé la nuit. Au matin, une armée de brigands avait attaqué la bourgade. « Hors les murs, ajouta-t-il, je l’ai vu incendier. La fumée montait en tourbillons par-dessus les toits. »
    On ne saurait mettre en doute la parole d’un savant génovéfain. Quels que fussent les assaillants, ils existaient, ils seraient bientôt là. En dépit de certains sceptiques irréductibles, dont M. Delmay, le maire commanda de sonner le tocsin. Le colonel de la milice faisait battre l’appel général. « Cela ne suffit pas, dit Farne, il faut armer toute la population. »
    Pétiniaud répondit que cette mesure outrepassait les pouvoirs municipaux. « Adressez-vous au grand sénéchal. »
    Farne, Dumas et leurs partisans sortirent. Bernard les suivit ; en dépit de toute son affection pour son père, il se sentait de leur côté. Dans la cour, Pierre Dumas, conciliant et habile, annonça qu’avec l’autorisation de la municipalité, ils allaient demander au sénéchal les armes du dépôt. Du coup, la maison de ville fut dégagée. La foule les suivit vers Saint-Michel. Une autre foule se trouvait déjà là, derrière la vieille église, entre celle-ci, le Présidial, l’Intendance, le portail Imbert – ancienne porte de Limoges, jadis – et la maison des Trésoriers de France, sur cette place qui avait vu, juste deux cents ans plus tôt, les combats de la Ligue. La flèche à boule de cuivre et les quatre clochetons n’y projetaient plus d’ombre, car il était près de midi. Le soleil tapait dur, ce qui n’empêchait pas les gens, affolés par le tocsin, de s’égosiller. La garde – des dragons en uniforme jaune et vert – prévenue par Dumasneuf, laissa entrer les notables. Bernard, se trouvant avec eux, passa aussi sans y avoir pensé. M. d’Ablois assisté du comte des Roys les reçut.
    « Monsieur, dit Farne qui n’en était plus à donner du Monseigneur à l’intendant, Limoges est en péril. Après le témoignage que nous avons entendu on n’en peut plus douter. Nous venons vous demander, à M. le sénéchal et à vous-même, de mettre la population en état de se défendre, comme c’est votre devoir. Si vous refusiez, vous porteriez tous les deux la responsabilité de ce qui pourrait s’ensuivre. »
    L’imprimeur avait lu certainement le texte de l’adresse envoyée par l’Assemblée au Roi, le matin du 13. C’était le même ton, plus assuré encore depuis qu’un Flesselles avait péri pour ne l’avoir pas entendu. Farne, d’ailleurs, ne laissa pas ses interlocuteurs courir le risque de ne point comprendre.
    « Dans l’état de crainte et d’excitation où est le peuple, poursuivit-il, nous ne saurions répondre des excès où il se porterait s’il pouvait croire qu’on le livrât volontairement sans défense à ses ennemis. »
    La menace, au demeurant, était superflue. L’intendant comme le sénéchal n’ignoraient pas qu’ils ne disposaient plus d’aucune autorité. Ils avaient sous la main, à Limoges, vingt dragons. La moitié de la garde bourgeoise, si l’on voulait défendre le dépôt, tirerait sur l’autre moitié. Ni l’un ni l’autre des deux hommes ne songeait à répandre le sang. Partisans eux-mêmes d’une monarchie tempérée, ils eussent préféré voir le Roi partager les pouvoirs avec des gens un peu moins turbulents, mais le choix ne leur était point donné.
    « Messieurs, répondit M. d’Ablois, nous sommes assurés, M. le grand sénéchal et moi-même, que le péril auquel vous faites allusion est entièrement vain. Loin de nous cependant l’intention de laisser le peuple désarmé contre ses ennemis, fussent-ils imaginaires. M. le secrétaire à la Guerre va vous accompagner au magasin, il vous le fera ouvrir. »
    Un peu surpris par ce facile succès, Farne remercia brièvement « au nom du peuple ». Quand il annonça, au-dehors, le résultat de l’entrevue, il y eut quelques « Vive l’intendant ! Vive le sénéchal ! » Mais on avait trop peur pour se réjouir,

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