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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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si fou, qu’il perçait le tumulte et bientôt le domina. Debout sur le parapet de la promenade d’Orsay, Babet s’enfonçait les poings dans les côtes, balbutiant entre deux fusées de rire : « Ah ! j’en mourrai !… Des vaches !… Oh ! oh ! des vaches !… Limoges a… a… attaqué par des vaches ! » Elle s’assit sur le mur, agitant dans une écume de jupons ses jambes que d’aucuns commençaient à regarder beaucoup plus que la route d’Aixe. Car sur celle-ci, on s’en rendait compte à présent, arrivait un simple troupeau rassemblé et ramené en ville par des bouchers prudents. Ils venaient de plus loin que n’était allée aucune patrouille, et ils n’avaient pas vu, dirent-ils, l’ombre d’un bandoulier.
    « Bernard ! appelait Babet. Descends-moi. »
    Elle lui tendait les bras, riant encore, écartant du pied des citoyens tout empressés à cueillir ce bel oiseau sur son perchoir. Bernard hésita une seconde, mais il était, comme tout le monde, si soulagé, qu’un élan vif l’entraîna. Il posa son fusil contre le mur, saisit des deux mains Babet à la taille, la soutint. Légère, elle s’abattit sur lui avec sa souplesse, son parfum, ses bras nus qui le prirent au cou, s’y nouèrent. Sa bouche avait une saveur de framboise. Les gens s’esclaffaient autour d’eux.
    Bernard se dégagea. « Que tu es beau comme ça ! » dit Babet.
    En bras de chemise, la cravate défaite, les cheveux desserrés, les buffleteries du briquet et de la giberne se croisant sur sa poitrine, il se sentait, lui, suant, sale de poussière qui lui collait au visage, qui lui desséchait la gorge. Était-ce maintenant la poussière seule ? Les yeux noirs, il regardait Babet avec colère parce que soudain il la désirait furieusement, et elle le savait.
    « Tu t’es bien amusée ? » lui lança-t-il.
    Sans attendre sa réponse, il lui tourna le dos, reprit son fusil, alla rejoindre Jourdan qui procédait à un recensement de ses hommes. L’alarme un peu calmée, le grand sénéchal, l’intendant, le colonel Peyroche du Reynou et quelques-uns des notables s’efforçaient d’ordonner la pétaudière. On organisait les compagnies par quartiers, afin de les répartir aux différents postes de la ville haute et de la Cité. La troupe de Jourdan fut ainsi dispersée. Bernard s’en alla monter la garde place Manigne où il retrouva Jean-Baptiste jouant aux cartes avec d’autres miliciens devant les armes formées en faisceaux. Il ne s’était produit ici aucune alerte. On y considérait l’alarme comme une panique due aux circonstances ou bien comme le résultat d’une manœuvre organisée pour contraindre l’intendant et le sénéchal à distribuer des fusils au petit peuple. Se rappelant alors ce que Babet lui avait dit du Génovéfain, Bernard regretta de s’être séparé d’elle si brusquement. Il aurait fallu l’interroger là-dessus. Mais comment diable pouvait-elle savoir quelque chose sur ce moine ?
    « Va donc souper tranquillement avec ta sœur, dit Jean-Baptiste. Tu reviendras ensuite, si tu veux. Quoique ce soit bien inutile. Il ne se passera rien, assurément. »
    Il avait raison. Non seulement il ne se passa rien, mais M. d’Ablois ayant reçu tous les rapports de ses sous-ordres et de la maréchaussée put rassurer la commune. Les prévôts signalaient qu’aucune bande d’aucune sorte ne se trouvait en aucun point de la généralité ni à ses abords. À Saint-Junien, à Rochechouart, dans tous les bourgs et villages, régnait une peur incompréhensible, car nulle part il n’y avait le moindre ennemi ni le moindre dégât. L’un des messages – celui-là même du subdélégué de Ruffec d’où l’alarme était venue ce matin – donnait une explication : quelques religieux de la Merci (ou du moins des hommes vêtus en religieux de la Merci), quêtant pour la rédemption des captifs, avaient été mal reçus. Mécontents, ils s’étaient retirés en proférant, disait-on, des menaces. On ne les avait pas revus depuis, néanmoins les habitants restaient très effrayés. En tout cas, l’ordre régnait à Ruffec ainsi que dans les paroisses voisines.
    Ces nouvelles, répandues par la ville et la Cité auraient dû éteindre toute crainte, cependant la détente ne se produisait pas. Trop d’inquiétudes, trop de mystères que l’on sentait menaçants, demeuraient. Le maître de poste de La Barre avait pu s’alarmer sur des rumeurs, soit, mais le moine qui

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