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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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blanc, le fusil au bras, barraient la porte. Les archers connaissaient Bernard, on le laissa passer. À l’intérieur aussi il y avait affluence. Les notables s’étaient réunis aux échevins. On discutait assez vivement, par groupes. Bernard avisa son père qui faisait de grands haussements d’épaules en parlant avec M. Dumasneuf, secrétaire de l’Intendance. « Tiens ! te voilà, cadet ! » dit M. Delmay. » Il embrassa son fils et ensuite continua de le tenir par le bras.
    « Tu viens aux nouvelles ?
    — Oui. Que se passe-t-il ?
    — Rien, très probablement. Tous ces jobards se montent le coup.
    — Mais enfin, d’où provient cette alarme ?
    — De La Barre, uniquement. Le maître de poste est accouru ce matin à franc étrier réveiller l’intendant pour lui annoncer que, dans la nuit, des brigands auraient dévasté Ruffec, Champagne-Mouton, Saint-Claud, que sais-je encore ! Le syndic de Chabanais et le subdélégué de Saint-Junien demandaient du secours. Naturellement, cette histoire a trouvé M. d’Ablois fort sceptique. Il a eu le tort de laisser sortir cet imbécile de maître de poste avant que l’on ait vérifié ses racontars. L’animal, affamé ou assoiffé par sa course, est allé se faire ouvrir les Trois-Anges. Bien entendu, au lieu de tenir sa langue, comme M. d’Ablois le lui avait recommandé, il a débité ses balivernes au gros Cibot. Voilà le résultat.
    — Jean-Baptiste arrive d’Aixe. Ce matin tout y était tranquille.
    — Vous voyez ! dit M. Delmay au secrétaire de l’Intendance.
    — Assurément, mon cher monsieur. S’il s’était produit dans la région un trouble sérieux, la maréchaussée ou les stationnaires de Schomberg et de Royal-Lorraine auraient averti soit M gr  l’intendant, soit le grand sénéchal, soit le gouvernement militaire, comme je l’ai affirmé tout à l’heure. »
    Le secrétaire était venu dire cela aux magistrats municipaux, en leur annonçant que, pour plus d’assurance, ordre de patrouiller et de rendre compte sans délai avait été expédié à tous les prévôts ainsi qu’aux officiers de stationnaires. D’ici peu on serait fixé et rassuré, c’était certain.
    Bernard n’en doutait pas, mais il voyait que plusieurs éche-vins ne partageaient nullement cette assurance. Comme eux, la plupart des notables – en particulier Nicaut, Pinchaut, les imprimeurs Barbou et Farne, Pierre Dumas dont Bernard avait fait la connaissance le soir du souper chez Mounier-Dupré – ne se fiaient point à M gr  Meulan d’Ablois, au comte des Roys ni aux officiers des troupes régulières. Les uns et les autres étaient créatures de la Cour, nécessairement soumises à ses ordres ou ses desseins. Lui-même, Bernard, sans croire aux nouvelles, ne pouvait se retenir de songer que si, en guise de « brigands », des troupes conduites par le comte d’Artois se fussent avancées sur Limoges, ni l’intendant, ni le sénéchal, ni le comte Du Dognon, lieutenant du gouverneur militaire, n’eussent voulu les arrêter.
    L’avant-veille, en livrant des marchandises à Jourdan, il avait parlé longuement avec lui. Selon le mercier, il fallait s’attendre à voir la Cour essayer, par un moyen ou un autre, de ressaisir le sceptre absolu que le peuple lui arrachait des mains. Parmi les bruits répandus, Jourdan en voyait un d’assez plausible dans son principe. Les troupes écartées par le Roi, la Cour, bravant un souverain contre lequel elle prétendait défendre la monarchie, pouvait les faire servir à s’assurer des provinces, assiéger ensuite Paris, le réduire par assaut ou par famine, et rétablir l’ancien ordre de choses.
    Bernard se demanda si l’on n’amusait pas ici les notables tandis que non point des brigands mais des troupes étrangères – peut-être travesties en bandouliers – envahissaient la généralité. Difficile cependant de croire qu’un Pétiniaud de Beaupeyrat, si généreux, si dévoué à ses compatriotes, soutînt une telle machination. Malgré les violentes objurgations de Farne, dont on entendait les éclats dans la salle des séances, il se refusait à faire donner l’alarme tant que l’on n’aurait pas confirmation du danger.
    « Voyez-moi Farne, ce butor ! s’exclama M. Delmay. On sait bien pourquoi lui et ses pareils veulent armer la populace. Pour prendre notre place et imposer leurs foutues… Bon sang ! je vais l’attraper au collet, l’expédier par la

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